Premières rencontres de l’Institut Européen Est-Ouest

L’image d’Alexandre Ier sous la Restauration :
du culte àl’oubli (1814-1830)

 

 


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Mots-clés : Russie, Alexandre Ier, image, Restauration, bilan

 

Le premier quart du xixe siècle fut marqué par d’importants bouleversements politiques sur la scène européenne : les guerres des Coalitions anti-françaises, la chute de Napoléon, la formation de la Sainte Alliance, la question des mouvements nationaux. Dans tous ces événements, la Russie joua un rôle de premier plan en affirmant son appartenance indiscutable à l’aire européenne et en occupant une place d’arbitre et de garant de la paix sur le continent. Elle devait ce succès à la personnalité et à l’ambition du tsar Alexandre Ier. Lorsque celui-ci mourut en 1825, les contemporains français s’accordèrent à dire que le règne de ce monarque « remarquable et, à beaucoup d’égards, étonnant, formera[it] toujours une grande époque »1.

Encensé en 1814-1815, lors de ses deux séjours à Paris, par des camps politiques souvent opposés, placé sur le même plan que les légendaires Pierre le Grand et Catherine II, le nom d’Alexandre semble pourtant tomber rapidement dans l’oubli après l’avènement de son successeur Nicolas Ier. À l’annonce de la mort inattendue du tsar, l’opinion publique française parut en effet davantage intéressée par les problèmes de sa succession que par le bilan ou les enseignements du règne écoulé. Et pourtant, il avait été, pendant les dix dernières années de sa vie, un allié idéologique des Bourbons, un protecteur du légitimisme en Europe ainsi que le fondateur de la Sainte Alliance dont la France faisait partie. Il avait bénéficié pendant longtemps de la bienveillance de sa presse officielle et de celle de l’opposition. Malgré les titres de grandeur rappelés par de nombreuses nécrologies, Alexandre Ier ne réussit pas à devenir une légende.

Quels sont les facteurs qui contribuèrent à la construction, sous la Restauration, de l’image d’Alexandre Ier ? Comment un changement rapide de perception put-il s’opérer au moment de sa mort ? Et quel fut le rôle de l’image héritée de la période napoléonienne ? Telles sont les questions auxquelles nous tentons de répondre dans cet article.

L’avènement et la première partie du règne d’Alexandre Ier coïncident avec le Consulat et l’Empire qui font de Napoléon Bonaparte le premier interlocuteur français du jeune tsar. Or, que savaient les Français d’Alexandre au moment de son avènement, dont la nouvelle parvint à Paris en avril 1801 ? La référence principale en la matière fut l’ouvrage de l’officier français Charles Masson qui, un an auparavant, après avoir passé dix ans en Russie, publiait à Paris ses Mémoires secrets sur la Cour de Saint-Pétersbourg. Masson avait enseigné les mathématiques au prince héritier Alexandre et lui consacrait de nombreuses pages. On y apprenait entre autre que le libéral suisse La Harpe en avait été le précepteur et qu’il avait exercé sur le futur Alexandre Ier une influence considérable en cultivant en lui le goût des Lumières, de la justice et de la liberté individuelle. Masson brossait dans ses mémoires un portrait psychologique nuancé de son auguste élève :

On trouve presque réalisé dans ce jeune prince cet idéal qui nous enchante chez Télémaque. [...] Il a de Catherine une égalité d’humeur inaltérable, un esprit juste et pénétrant, et une discrétion rare, mais une retenue, une circonspection qui n’est pas de son âge, et qui serait de la dissimulation, si on ne devait point l’attribuer à la position gênée où il s’est trouvé entre son père et sa grand’mère, plutôt qu’à son cœur naturellement franc et ingénu. Au reste, il est d’un caractère heureux, mais passif. [...] Ce sont moins des défauts que l’absence de quelques qualités qui ne sont point encore développées en lui, ou qui ont été repoussées dans son cœur par les alentours méprisables qu’on lui a donnés. [...] Malgré ses heureuses dispositions, il est menacé de devenir un jour la proie de ses courtisans.2

Le succès des Mémoires fut immense et les rééditions commencèrent à paraître dès 1800. L’autorité de Masson devint telle que jusqu’au milieu du xixe siècle, de nombreux auteurs continuaient à se référer à lui et à reprendre religieusement le portait qu’il avait tracé3. Masson avait en effet décelé chez ce prince encore jeune, les traits qui allaient influencer la politique de la Russie et de l’Europe pendant un quart de siècle : sa faiblesse de caractère et sa nature influençable.

La période napoléonienne fut caractérisée par la construction méthodique d’une image positive d’Alexandre Ier malgré la succession de conflits militaires qui opposèrent les deux pays. Cette bienveillance émanait dans un premier temps de la volonté du Premier Consul de sortir la France de la « guerre perpétuelle »4 à laquelle le Directoire l’avait contrainte. Par la suite, Napoléon s’obstina à considérer Alexandre comme un allié potentiel contre l’Angleterre dans le cadre d’un rééquilibrage des pouvoirs en Europe. Dès 1801, il suscita donc une propagande sur laquelle il s’appuya pour présenter le jeune monarque comme l’héritier spirituel de Catherine la Grande, un souverain éclairé, adepte des Lumières, législateur libéral et justicier généreux. Pendant les campagnes militaires de 1805-1807 et même lors de la Campagne de 1812, Napoléon combattit la Russie sans combattre Alexandre, en faisant porter à son entourage pro-anglais la responsabilité du déclenchement des hostilités5. Certes, l’alternance des périodes de conflits et de rapprochements entre la France et la Russie et les volte-face de la propagande provoquèrent un certain scepticisme dans l’opinion. Néanmoins, à la veille de la Restauration, l’opinion publique française était bien informée de l’activité réformatrice du tsar et avait conçu de sa personne une image globalement favorable.

Paradoxalement, tout en idéalisant Alexandre, Napoléon contribua à diaboliser la Russie en tant que puissance militaire. Il développa l’idée selon laquelle il existait une continuité dans la politique extérieure russe depuis cent ans, visant la domination universelle. Dans les murs du ministère des Relations extérieures, sous l’impulsion de Napoléon, mûrit le projet d’un testament apocryphe de Pierre le Grand, un plan d’expansion machiavélique que le tsar aurait légué à ses successeurs et qui aurait été suivi à la lettre par tous ses héritiers depuis un siècle6. Cet élément allait devenir un argument efficace pour justifier une entrée en guerre : dès 1806, l’empereur des Français dénonça sur la place publique « l’insatiable ambition des Russes »7 et la « politique fallacieuse du cabinet de Pétersbourg »8 contre la Pologne, la Turquie et la Perse.

Pour étayer l’image d’une Russie menaçante, Napoléon s’appuya sur un mythe hérité du xviiie siècle, celui d’une Europe civilisée menacée par l’invasion des peuples restés sauvages et barbares malgré les réformes menées par ses monarques depuis un siècle. Tout en étant un souverain éclairé et réformateur, adepte des Lumières, Alexandre était aussi celui des Tartares et des Cosaques. La Restauration héritait donc d’une image ambiguë du monarque russe, construite non pas en parallèle avec celle de son peuple, mais en opposition avec elle.

Parallèlement à l’image élogieuse d’Alexandre répandue en France par la propagande napoléonienne, il en existait une autre, tout aussi élogieuse, véhiculée par les nombreux opposants au régime impérial. Réduits au silence par la censure et la peur des représailles ou condamnés à l’exil, ceux-ci ne purent s’exprimer en France qu’à partir de 1814. L’impact de leur opinion fut considérable grâce aux ouvrages-phares tels que De Buonaparte et des Bourbons de Chateaubriand ou les Considérations sur les principaux événements de la Révolution française de Madame de Staël.

En minimisant l’importance des traités conclus entre la France et la Russie en 1801, 1805 et 1807, ces admirateurs de l’empereur Alexandre voyaient en lui l’antithèse de Napoléon. L’antithèse politique d’abord : lorsque Madame de Staël fuyait la « tyrannie » de l’empereur français qui « enchaîn[ait] tous les genres de liberté », elle bénissait l’autocratie russe tempérée par la « sagesse éclairée » et la « tolérance » du tsar9. La Russie devenait aux yeux de l’écrivain une terre de liberté, la seule puissance européenne qui, avec l’Angleterre, était capable d’abattre le tyran. Les personnalités des deux hommes étaient également antithétiques : face à l’empereur français « vulgaire » et « dédaigneux », Alexandre apparassait à Madame de Staël plein de « bonté et de dignité », portant la marque « du génie de la vertu »  si Napoléon ne songe qu’à la guerre « qui lui sied »10, Alexandre, lui, est « pacifique de caractère »11. La lenteur des réformes promises par le tsar ne semblait pas l’inquiéter, puisque le caractère du souverain remplaçait la Constitution.

La défaite militaire de Napoléon et l’entrée d’Alexandre Ier et du Roi de Prusse à Paris, le 31 mars 1814, signifièrent pour de nombreux Français la fin de l’exil et de la guerre  la population de Paris accueillit les Alliés en pacificateurs12. Les légitimistes fondaient leurs espoirs sur l’intervention des souverains alliés pour faire renaître l’Ancien Régime et refermer définitivement la parenthèse révolutionnaire  à leur grande joie, Alexandre fut le premier à proclamer, dès le 31 mars, le retour des Bourbons. De leur côté, les nostalgiques des années fastes de l’Empire lui surent gré d’avoir rendu visite à Joséphine à Rambouillet et d’avoir préservé l’œuvre législatrice de Napoléon.

Mais ils ne furent pas les seuls à être séduits par le tsar. Car Alexandre sut rassurer les Français qui redoutaient les conditions futures de l’armistice et de la paix. Dès le lendemain de son arrivée, il fit placarder sur les murs de la ville une déclaration dans laquelle il s’engageait personnellement à respecter l’intégrité territoriale de la France  geste apprécié de la part d’un souverain qui, deux ans auparavant, avait vu son territoire occupé et l’une de ses deux capitales incendiée. Partout en France, les conditions de la paix étaient au centre de toutes les discussions  on fit même circuler une copie d’un prétendu texte de traité13. Mais le tsar Alexandre gardait le beau rôle : lorsque les uns prétendaient que la Prusse et l’Autriche exigeaient des contributions de paix inacceptables pour la France, d’autres assuraient que « l’intervention de la Russie avait tout concilié »14.

C’est aussi le charme personnel d’Alexandre qui lui attira tous les suffrages. Le 15 avril, sur la place Louis XV, il présida la grande revue des armées alliées, impressionnant l’assemblée par sa prestance, sa beauté et sa jeunesse. Dans les rues de Paris, il « marchait quelquefois sans gardes au milieu des Parisiens »15  à Boulogne-sur-Mer, il « a gardé l’incognito et s’est refusé aux hommages des autorités » et « n’a paru qu’en habit bourgeois, sans décorations et sans suite »16, séduisant par sa simplicité et sa modestie. Enfin, ce n’est pas sans plaisir que les Français virent en lui le reflet des Lumières françaises, comme le démontre le témoignage d’un contemporain avisé :

L’empereur Alexandre, lors de son séjour dans la capitale, fit en quelque sorte la conquête des Parisiens, par ces formes agréables et cette aménité que l’on n’eût pas dû attendre du souverain des Cosaques  mais on se rappelait que le général La Harpe, l’un des héros de la première Campagne d’Italie, avait été son précepteur  on retrouvait avec plaisir les leçons du maître dans la conduite de l’élève, et l’orgueil national en était flatté. Nos dames, séduites par le physique et les dehors de l’autocrate, partageaient, à leur manière, cet engouement général.17

Le séjour prolongé d’Alexandre Ier à Paris entraîna la prolifération de toute une littérature de circonstance : il ne se passait pas une journée sans la publication d’un article de journal élogieux ou la parution dans les librairies de la capitale d’une épître ou d’une ode à la gloire du tsar libérateur18. Au théâtre, lorsque la représentation n’était pas précédée d’un chant dédié au tsar de Russie, on le retrouvait sur scène parmi les personnages de la pièce, marqué de « gloire immortelle » dans des « guerres mémorables »19  les romanciers ne se firent pas attendre en réservant à Alexandre le rôle de médiateur et de justicier plein de « sensibilité noble » et de « candeur magnanime »20. Dans les salons parisiens désireux de s’assurer la présence de « l’homme de nos espérances »21, la reconnaissance envers le tsar se mua en une crise d’« alexandrolâtrie »22.

Quant à l’armée russe, la tenue impeccable des soldats, l’aménité et l’excellent français des officiers, la surprise de la découverte enfin, suscitèrent chez les Parisiens un intérêt et une sympathie dont ne bénéficiaient ni les Anglais, « ennemis héréditaires » de la France, ni les Allemands qui voulaient « allumer Paris », faire sauter les ponts d’Austerlitz et d’Iéna et abattre la colonne de Vendôme23. Néanmoins, tout en admirant les grâces et les mœurs européennes de l’empereur Alexandre, les Parisiens ne pouvaient se débarrasser d’un complexe de supériorité à l’égard des Russes. Derrière les bonnes manières et la politesse affichées par ces derniers, les Français s’évertuaient à deviner les restes de mœurs naguère sauvages. Un épisode très représentatif se produisit début juin 1814, après la signature du premier traité de Paris. Au moment où les armées alliées s’apprêtaient à quitter la ville, le bruit se répandit dans la capitale que les troupes russes « se proposaient de mettre le feu aux casernes dont ils jetaient déjà les meubles par les fenêtres ». La nouvelle fut prise très au sérieux par la police qui envoya sur place une compagnie de pompiers et un détachement de gendarmerie « avec l’ordre de sabrer sur-le-champ ceux qui se livreraient à cet excès ». Le préfet signifia dans son rapport quotidien que la situation avait été provoquée par « cet instinct des peuples slaves pour ce qui fut de tout temps un besoin de détruire ce qu’ils abandonnent ». Finalement, les casernes furent préservées, les meubles seuls étant partiellement brisés  et le Bulletin de police de conclure que « c’est avec les Russes en être quitte à bon marché »24.

Quelques mois à peine après leur départ, les Alliés durent revenir à Paris pour rétablir une nouvelle fois Louis XVIII sur le trône. Les années de l’ultime lutte contre Napoléon marquèrent un tournant dans l’attitude d’Alexandre Ier à l’égard de la France et de l’Europe. Marqué par l’expérience des loges maçonniques répandues dans les milieux de la haute aristocratie russe depuis de nombreuses années, par le sursaut patriotique et la tragique perte de Moscou lors de la guerre de 1812, le tsar vécut le retournement de la situation comme un signe de la Providence divine. Peu à peu, mûrit dans son esprit l’idée d’une Sainte Alliance se référant aux « Saintes Écritures » et invoquant « la Très Sainte et Indivisible Trinité », incarnée sur terre par la fraternité des trois souverains légitimes, ceux de Russie, d’Autriche et de Prusse. Le 25 septembre 1815, François Ier, Frédéric-Guillaume III et Alexandre Ier apposèrent leur signature sur ce texte qui conféraient à leurs pouvoirs absolus une dimension sacrée. Peu après, la France de Louis XVIII vint rejoindre la Sainte Alliance.

La nouvelle situation en Europe, dominée par l’Angleterre et la Russie, mit les Bourbons devant le choix d’une alliance politique. La perfide Albion était certes l’ennemie et la rivale de la veille, mais rassurait par sa proximité culturelle et géographique. Quant à la Russie, l’attitude d’Alexandre Ier en 1814-1815 avait rapproché Paris et Saint-Pétersbourg, mais l’empire des tsars restait encore pour beaucoup un pays lointain et méconnu, naguère absent de l’aire européenne. Par ailleurs, la peur des agrandissements territoriaux incessants de la Russie, encore récemment exploitée par Napoléon, était bien ancrée dans l’imaginaire français, et la présence des troupes d’occupation d’Alexandre sur le sol national constituait une preuve évidente de cette menace. Le gouvernement du duc de Richelieu finit par repousser les propositions d’alliance des diplomates russes en 1821, et Chateaubriand fit de même un an plus tard lors du congrès de Vérone.

Bien que le tsar eût activement œuvré pour la restauration des Bourbons, Louis XVIII ne put se débarrasser de son ancienne russophobie. Il resta circonspect face à la proclamation de ses intentions pacifiques par Alexandre : après tout, la diplomatie russe n’était-elle pas connue pour sa mauvaise foi ? De même, la volonté du tsar de sortir son pays du despotisme en affranchissant les serfs et en adoptant une constitution, marquant par-là même le respect de l’héritage des Lumières, inquiétait le Roi et les « ultras » rêvant du retour aux valeurs de l’Ancien Régime. Les instructions données au comte de Noailles, premier ambassadeur de la France restaurée en Russie, témoignaient d’une forte défiance à l’égard de la politique intérieure et extérieure d’Alexandre :

Le moment n’est point venu de déterminer les rapports politiques qui pourront à l’avenir exister entre la France et la Russie. Si celle-ci nourrissait des projets d’agrandissement comme elle l’a fait depuis un siècle, ses vues ne pourraient s’accorder avec celles de la France qui n’en doit avoir que de conservation. [...] L’ambassadeur du roi doit aussi s’attacher à découvrir si c’est par système de politique ou seulement l’empereur, par complaisance ou par opinion, qui donne appui [...] à des idées démocratiques.25

Comme le démontrent Michel Fridieff et Charles Corbet26, le thème de la menace militaire russe fut largement exploité par le parti pro-anglais tout au long des années de la Restauration  les ouvrages de Dominique de Pradt en fournissent l’exemple le plus éloquent27. Pourtant, en analysant l’histoire des conquêtes effectuées par la Russie durant plusieurs règnes, les auteurs évitaient d’évoquer la responsabilité personnelle d’Alexandre et se cachaient derrière des opinions générales sur le cabinet russe.

De son côté, le camp pro-russe tenta de minimiser le danger en évoquant comme argument principal les réformes menées par Alexandre Ier depuis son avènement. À partir de 1819, la Revue Encyclopédique contribua à répandre en France les preuves concrètes de la marche de la nation russe vers la civilisation européenne : développement des universités, fondations des sociétés savantes, encouragements donnés à la littérature nationale. Les engagements personnels et le sens moral du tsar devinrent pour les partisans de l’alliance russe les garants du refus de nouvelles invasions.

La mort inopinée d’Alexandre, annoncée à Paris le 19 décembre 1825, entraîna une multitude de nécrologies élogieuses dans les journaux officiels et d’opposition. Les premiers regrettaient le fondateur de la Sainte Alliance et l’incarnation du pouvoir légitime absolu, les seconds rendaient hommage au vainqueur généreux et au souverain éclairé  tous redoutaient que la disparition du garant de la paix n’entraîne l’Europe dans une nouvelle guerre. Pro-russes ou russophobes, les journaux parlèrent de la fin d’une grande époque, non seulement pour la Russie, mais aussi pour tout le continent. Mais au-delà des éloges de circonstance, des critiques plus ou moins virulentes se firent jour. Pour illustrer cette diversité des opinions, nous nous référerons, dans le camp pro-russe, aux articles de la Gazette de France28 et à la biographie d’Alexandre publiée par Alphonse Rabbe29, plus nuancée. Chez les auteurs critiques à l’égard de la Russie, L’Histoire de Russie d’Esneaux et Chennochot30 et le Journal des Débats31 nous fourniront des exemples représentatifs.

Par la signature de la Sainte Alliance, Alexandre faisait à l’Europe la promesse de renoncer à la politique traditionnelle d’expansion russe. Par la suite, il donna des preuves de sa bonne foi lors de l’insurrection grecque qui lui offrait une occasion formidable de s’étendre dans les Balkans au détriment de l’empire ottoman. Tout semblait devoir pousser Alexandre à intervenir : le rôle joué par l’hétairie formée à Odessa en 1814  l’appel au secours lancé par les Grecs insurgés et adressé au tsar  l’intercession de Capo d’Istria, natif de Corfou, entré au service de la Russie  le choix dès 1821 d’Alexandre Ypsilanti, un général d’Alexandre Ier, comme chef du mouvement. Pourtant, jusqu’à sa mort en 1825, le tsar se rangea derrière le chancelier Metternich en considérant les Grecs comme des rebelles et en maintenant la solidarité des monarchies européennes prônée par la Sainte Alliance.

L’instauration durable de la paix en Europe était susceptible de rassurer la nation française et de la rallier aux idées « ultra » de la seconde Restauration. Malgré la russophobie de Louis XVIII et la méfiance des diplomates, il n’était donc pas question, devant l’opinion publique, de remettre en doute l’intégrité et la bonne foi d’Alexandre, allié idéologique du nouveau gouvernement. La propagande officielle s’appuya sur les événements de 1814-1815 pour fixer le tsar dans le rôle de pacificateur qu’il s’était lui-même attribué  pour elle, « Alexandre n’avait pas l’esprit des conquêtes »32. Les nombreuses relations de la Campagne de Russie33 étaient là pour confirmer la modération et l’esprit pacifique du tsar, le bras de Dieu dans la lutte contre le pouvoir tyrannique et expansionniste de Napoléon en Europe. Parmi elles, l’Histoire de la Grande Armée du comte de Ségur34 eut le plus d’impact : l’ouvrage se répandit « aussi rapidement qu’un nouveau roman de Walter Scott »35 et connut de nombreuses rééditions.

La rhétorique du pouvoir resta inchangée jusqu’à la mort du tsar. C’est dans ces termes que la Gazette de France dressa dans sa nécrologie le bilan de son action internationale :

C’est lui qui rétablit l’ordre européen sur ses antiques bases  au milieu de tant d’éléments de guerre, c’est lui qui nous maintint dans une paix profonde. Maître d’un empire qui sert de borne à l’Europe et à l’Asie, il comprit que ce poste était celui de médiateur.36

Tout à leur désir de faire correspondre la totalité du règne d’Alexandre à cette image idyllique, les journaux officiels n’hésitèrent pas à réécrire l’histoire. Tous les faits gênants furent revus pour être justifiés  or, ils étaient nombreux. La signature du traité de Tilsit ne mettait-elle pas en cause la bonne foi du tsar ? Et la propagande de rejeter les « doutes injurieux sur la sincérité d’Alexandre »37, à la suite des mémorialistes militaires et de Madame de Staël qui avait déjà souligné son « exactitude trop scrupuleuse au funeste traité »38. Vint ensuite l’occupation de la Finlande décidée à Tilsit : la responsabilité de cette décision, « trop en opposition avec les principes professés par Alexandre », fut attribuée à M. de Romanzoff « qui dirigeait alors les affaires »39. Il y eut aussi le traité d’Abo, signé le 9 avril 1812 entre le tsar et Bernadotte pour inciter la Suède à attaquer le Danemark et l’Allemagne du Nord : la Gazette de France expliqua cet acte par la lutte sacrée menée par Alexandre contre Napoléon et contre l’héritage révolutionnaire qui « menaçait d’engloutir les rois et les peuples et la civilisation avec la légitimité ». Quant au protectorat russe sur la Pologne décidé au congrès de Vienne, il fut présenté par le même journal comme une « domination paternelle » liant les deux pays par « de simples nœuds de convenance et d’affection réciproque » et préparant « le moment où la Pologne redeviendra[it] tout à fait elle-même »40.

Le projet de création d’un vaste réseau de colonies militaires sur les frontières de l’empire, lancé par Alexandre en 1810 et maintenu même après la victoire sur Napoléon, constituait un fait particulièrement gênant pour l’image du tsar pacificateur. La propagande officielle fut très embarrassée par cette réforme qui suscita des interrogations même dans le camp pro-russe. Charles Dupin, collaborateur de la Revue Encyclopédique, essaya de présenter le service militaire en Russie comme un « bienfait » pour les paysans à qui il apportait affranchissement et gloire41. Pourtant, dans les éloges publiés à la mort du tsar, les colonies militaires faisaient tache. Pour toute justification, Rabbe trouva celle-ci : « Il fallait pourtant songer à la guerre, et bien qu’Alexandre ne l’aimât pas, [...] il jugea qu’il était nécessaire de s’y préparer 42. » La Gazette de France, dans sa nécrologie, s’abstint de tout commentaire sur le sujet en expliquant que la mort précoce du tsar ne lui avait pas laissé le temps de cerner toute la grandeur du projet43.

Derrière les louanges de bon ton, quelques voix discordantes lançaient des mises en cause personnelles d’Alexandre. Le Journal des Débats44 mentionna la volonté du tsar d’augmenter la puissance militaire de la Russie. Certains se souvenaient du général de Vaudoncourt45 qui, en 1812, avait suggéré dans ses Mémoires que le tsar, mu par le sentiment d’humiliation qui le rongeait depuis Tilsit, avait poussé Napoléon à la guerre. Et justement, que pensait l’empereur déchu des ambitions personnelles d’Alexandre ? C’est en 1823, deux ans après sa mort à Sainte-Hélène, que Las Cases lançait la première édition du célèbre Mémorial46 qui allait contribuer à la naissance de la légende napoléonienne et connaître une multitude de rééditions et de traductions. À de nombreuses reprises, Napoléon y témoigna de l’attachement personnel qui le liait à Alexandre  mais il lançait également à la postérité cet avertissement :

Il a de l’esprit, de la grâce, de l’instruction  est facilement séduisant  mais on doit s’en défier : il est sans franchise  c’est un vrai grec du Bas-Empire. [...] Il est fin, faux, adroit  il peut aller loin. Si je meurs ici, ce sera mon véritable héritier en Europe. Moi seul pouvais l’arrêter avec son déluge de Tartares. La crise est grande et permanente pour le continent européen, surtout pour Constantinople : il l’a fort désiré de moi.47

Alexandre mourut deux ans plus tard sans que les craintes d’un nouveau conflit se confirmassent. L’heure du bilan vint : l’héritage que le tsar laissait à l’Europe était-il celui d’un grand homme ? Bien que persuadé d’avoir été élu pour une grande mission, Alexandre ne réussit ni à faire évoluer les pratiques de la diplomatie européenne, ni à éviter les conflits militaires, ni à contribuer au bonheur des peuples, comme il rêvait de le faire en créant la Sainte Alliance en 1815. Bien au contraire, les principes initialement nobles de cette institution furent « détournés de leur vrai sens et accaparés par la politique astucieuse de certains ministres »48, remarqua le Journal des Débats. Selon ce journal de l’opposition, « la véritable direction de la Sainte Alliance étoit échappée aux mains du fondateur » pour être animée par « un esprit de haine et de violence » et pour servir « de prétexte aux interventions ambitieuses et intéressées dans les affaires intérieures des nations ». Seule la présence d’Alexandre pouvait encore contribuer au prestige de cette fédération  l’existence même de la Sainte Alliance se trouvait compromise après sa mort. Le successeur du tsar ne serait-il pas tenté d’« aller essayer son épée de couronnement contre les Musulmans ? »49.

Le Journal des débats vit juste : dès 1826, Nicolas Ier reprit la politique traditionnelle de poussée vers les Balkans et les Détroits en répudiant par-là même la solidarité des souverains. En France, ce changement de cap, radical mais prévisible, allait redonner une nouvelle vitalité aux idées du Testament apocryphe de Pierre le Grand publié par Napoléon. L’attitude adoptée par Alexandre pendant les dix dernières années de son règne apparut de plus en plus comme une exception, un cas isolé ne pouvant lutter contre le poids de la tradition. Même Alphonse Rabbe, apologiste du tsar, se vit obligé en 1826 de le reconnaître :

La Russie, sous Alexandre Ier, prince pacifique, est restée militaire et conquérante : elle n’a pas cessé de graviter de tout son poids vers l’ouest et le sud. Elle n’a abdiqué aucun des dogmes de la doctrine politique dont Pierre le Grand fut le fondateur. Toujours également avide et astucieuse, sa diplomatie n’a pas cessé de se jouer avec la même audace de la foi des traités et des droits des nations comme de ceux des rois. Seulement les vertus particulières du prince ont obligé les appréciateurs impartiaux de ne pas rendre responsable la couronne de tout le machiavélisme du cabinet. Au surplus, depuis vingt ans, telles ont été les chances en faveur de la Russie, que la mauvaise foi semble un luxe dont elle aurait pu se passer.50

Quelques années plus tard, Esneaux et Chennechot rompirent définitivement avec l’image édulcorée du tsar que la propagande officielle de Louis XVIII et de Charles X avait tenté de créer pendant dix ans. Dans le chapitre consacré à Alexandre, les historiens insistèrent sur la responsabilité personnelle du tsar dans les conquêtes effectuées par son pays. Ils rappelèrent l’entrevue que Napoléon et le tsar eurent à Erfurt, en 1807, lors de laquelle ce dernier abandonna à Joseph Bonaparte le trône de Naples, obtenant en échange l’occupation de la Moldavie et de la Valachie par la Russie. Leur conclusion sur l’intégrité du tsar fut sans équivoque : « Cette transaction ne blessait pas moins la morale que celle qui avait eu pour objet l’usurpation de la Finlande », après l’entrevue de Tilsit. Les historiens tendaient à démontrer par-là que l’amour de la justice et de la liberté dont Alexandre faisait preuve dans ses discours, « n’attendait pour se démentir qu’un appât assez considérable pour tenter une grande ambition »51. Ils rappelèrent aussi la fondation, par Alexandre, d’un grand nombre d’écoles militaires, ce « luxe des despotes »52.

À peine trois ans après sa mort, le pacificateur et le médiateur incontesté de 1814-1815 apparaissait déjà comme un représentant typique de sa dynastie, toujours à l’affût d’une nouvelle conquête, fidèle, malgré son amour affiché de la justice et son refus apparent du despotisme, à la politique expansionniste de ses ancêtres.

Un an avant l’avènement d’Alexandre, Masson écrivait au sujet du jeune prince : « Le ciel le destine peut-être à rendre trente millions d’esclaves plus libres et dignes de l’être53. » Les premiers actes du souverain semblaient confirmer cette tendance. En effet, l’année 1803 fut marquée par l’interdiction de vendre les serfs sans vendre les terres et par un oukase prévoyant la constitution d’une nouvelle classe de laboureurs libres, anciens serfs affranchis et dotés d’une parcelle de terre. Cette réforme intervenait au moment où la France était ouverte à la propagande pro-russe, et l’opinion publique française en fut informée. Il en fut de même pour les nouvelles impulsions en faveurs des serfs données par le tsar en 1808, lorsque la paix de Tilsit avait à nouveau ouvert les colonnes des journaux français aux dépêches en provenance de Saint-Pétersbourg.

Mais les réformes promises par Alexandre n’était pas du goût de tous. Pendant les années de la Révolution et de l’Empire, le catholique savoyard Joseph de Maistre avait trouvé refuge en Russie où il vécut pendant plus de treize ans. Par la suite, il contribua par ses nombreux ouvrages publiés sous la Restauration à l’élaboration de la doctrine contre-révolutionnaire54. Ce détracteur de la liberté individuelle vit en la Russie le dernier bastion du despotisme nécessaire au bon gouvernement  c’est dans l’abandon du despotisme que de Maistre voyait la cause de la Révolution. Pour ce philosophe gagné au mysticisme, la restauration des Bourbons par Alexandre Ier était un symbole, un signe de la Providence en faveur du pouvoir absolu des souverains russes. Lors de son long séjour dans l’empire des tsars, il observa d’un très mauvais œil les tentatives de réformes libérales que le jeune monarque s’apprêtait à lancer depuis son avènement. Selon de Maistre, l’affranchissement des serfs pouvait déstabiliser le pays car « l’esclavage est en Russie parce qu’il y est nécessaire et que l’empereur ne peut régner sans l’esclavage »55. Si un jour la Providence devait amener les serfs à l’affranchissement, cette transformation s’opérerait par « la nature » et non par l’intervention d’un souverain, puisqu’une liberté soudainement acquise serait comparable au « vin, ardent sur un homme qui n’y est pas habitué »56. Il faudra attendre 1859 pour que les idées de Joseph de Maistre sur la Russie deviennent accessibles aux lecteurs grâce à une publication posthume.

En parallèle avec cette doctrine conservatrice, les années de la Restauration furent caractérisées, en France, par la montée du libéralisme qui s’était façonné d’abord contre la dictature révolutionnaire ou napoléonienne et, à partir de 1815, contre les théories ultraroyalistes. Dans ce contexte de triomphe de l’individualité, le thème de la liberté personnelle, et avec lui celui du servage, arrivèrent au premier plan des débats politiques sur la Russie. Le sujet suscita l’intérêt des publicistes et des historiens, comme en témoignent l’ouvrage de Raymond Faure en 1821 et celui de Paul Ducret de Passenans en 182257. Les russophobes s’en servirent pour démontrer le danger du despotisme des tsars, tout en soulignant les tentatives de plusieurs souverains, dont Alexandre, de le limiter malgré la résistance obstinée de la noblesse. Dans les années 1816-1819, malgré les exhortations des conservateurs, Alexandre Ier avait justement lancé l’affranchissement des serfs dans les provinces de Livonie, d’Estonie et la Courlande. La mise en place de ces réformes fut annoncée par la presse  dans la Revue Encyclopédique elle bénéficia d’un suivi jusqu’au début des années 182058.

Les dernières années du règne du monarque furent marquées par une apathie politique et un désintérêt de plus en plus grands à l’égard des réformes prévues  la mort emporta le tsar sans que l’affranchissement fût étendu sur l’ensemble de son empire. On était loin des belles promesses du début du règne, mais la Gazette de France sembla l’oublier en présentant cette « modération » comme faisant partie du plan initial. Selon la nécrologie du journal, le tsar « aimait la liberté, mais il la voulait régulière, afin qu'elle ne devînt pas de l’oppression  progressive, afin qu’elle ne devînt pas de l’ivresse »59. La bonne volonté du tsar ne fut jamais remise en cause par la presse pro-gouvernementale selon laquelle le règne d’Alexandre témoignait d’un « amour éclairé de la liberté » et atteignait le but initialement recherché : l’« esclavage adouci »60.

Chez Esneaux et Chennochot, on trouve un point de vue beaucoup plus critique sur la réforme du servage. Les auteurs reconnurent certes une légère amélioration dans le sort des paysans de la couronne, et dans une moindre mesure de celui des serfs des seigneurs. Mais dans l’ensemble, ils refusèrent de parler d’un « bienfait » et jugèrent les réformes « stériles » et « définitivement sans effet ». Il n’était plus question d’excuser le tsar par la faiblesse de son caractère ou rendre la noblesse ou l’influence de l’entourage responsables de l’échec des réformes. Ils accusèrent Alexandre de « tourmenter ou laisser tourmenter en son nom ses peuples » et, après « avoir fait luire aux yeux de ces malheureux un rayon d’espoir », d’abandonner lâchement les projets en cédant « à des considérations d’une froide politique ». Selon Esneaux et Chennochot, les mesures de 1808 étaient provoquées non pas par le sentiment d’humanité traditionnellement prêté au souverain, mais par l’émigration massive des paysans serfs des zones frontalières et donc par une simple nécessité politique. Quant aux affranchissements effectués dans les provinces baltes, la beauté du geste fut également ternie par Alexandre qui au même moment voulait aider « la compression de l’esprit de liberté chez les nations méridionales », allusion à la politique de la Sainte Alliance face aux insurrections nationales en Italie, en Grèce et en Espagne61.

On assista donc, avec l’ouvrage d’Esneaux et de Chennochot, à une mise en cause personnelle du tsar par les historiens de l’opposition qui le renvoyèrent à ses responsabilités et lui opposèrent ses engagements initiaux. Rien ne semblait avoir changé dans les pratiques despotiques des tsars. Et les auteurs de conclure par la stigmatisation suivante : « La liberté, en Russie, vaut moins que rien. »62

Alexandre mourut, très symboliquement, l’année du centenaire de la disparition de Pierre le Grand, considéré en France comme le véritable créateur de la nation russe. La comparaison entre les deux monarques était la bienvenue. Selon la Gazette de France, en cent ans la Russie effectua « un pas de géant » dans « l’estime et la vénération de l’Europe ». Plus encore, Alexandre surpassa la gloire de son aïeul, car il gagna une « autorité morale qui vaut mieux que la puissance63 ». Quant au Journal des Débats64, il se référa au Traité de la légitimité de Conrad Malté-Brun paru du vivant du tsar :

Alexandre Ier surpasse Pierre Ier, autant que les intérêts spirituels de la société surpassent les intérêts matériels. Pierre ne fondoit et ne pouvoit fonder que la force militaire et la puissance extérieure de son empire : il en étoit l’âme  sa grandeur personnelle tenoit lieu d’institution et des lois  s’il appeloit les arts et les sciences à son service, c’étoit comme des vassaux ou des mercenaires utiles. Alexandre fonde la puissance morale et civile de sa nation  il lui donne un esprit européen et une intelligence sociale  il prépare ses peuples à l’âge viril, il crée les éléments futurs d’une monarchie tempérée. Pierre est un colosse parmi les czars  mais Alexandre va clore la série des czars et commencer celle des rois.65

Dès son plus jeune âge, influencé par les idées de son précepteur La Harpe, Alexandre se déclarait en effet partisan de la monarchie constitutionnelle. Dans la première moitié de son règne, le tsar tenta d’expérimenter ses idées libérales dans les territoires conquis : il accorda une large autonomie au grand-duché de Finlande en garantissant ses lois et l’ensemble des institutions et dota la Pologne russe d’une constitution libérale. Enfin, il fut en 1814 l’un des instigateurs de la Charte qui assura à la France restaurée une monarchie représentative et rendit impossible le retour à l’Ancien Régime. Pourtant, en Russie même, aucun des projets de constitution élaborés par le « Comité intime » en 1801-1802, puis par Speranskij en 1807-1809 ne put aboutir. La création des ministères centralisés et la réorganisation du Conseil d’État ne constituèrent que des demi-mesures et ne limitèrent pas les pouvoirs du souverain. Napoléon, même vaincu par la contre-révolution, laissait en héritage de son règne un nouveau code, alors qu’Alexandre semblait reculer devant la résistance de la noblesse et des fonctionnaires mécontents des changements.

Esneaux et Chennochot firent au sujet de la réforme du sénat l’observation suivante : « Cette assemblée constitutive, destinée à éclairer les résolutions législatives du souverain, n’avait ni le pouvoir de les contraindre, ni celui de les empêcher66. » Pour eux, Alexandre combattit « en toutes choses, mais sans encore le briser, le ressort du despotisme ». On trouvait un jugement semblable dans le Journal des Débats qui soulignait la pérennité de l’absolutisme russe derrière les annonces bruyantes de réformes. Selon le constat que le quotidien dressa en 1825, on n’observait « pas le moindre rapprochement des idées de la monarchie tempérée »67 Malgré la sincérité, la bienveillance, la générosité des proclamations d’Alexandre, il continuait à régner, comme ses aïeux, selon les principes et avec les moyens qui « n’étaient pas aussi dignes de l’approbation philosophique »68.

Ceux des biographes et des nécrologues français d’Alexandre qui partageaient cette analyse, divisaient symboliquement son règne en deux parties distinctes. En mentionnant ses mesures contre la liberté de la presse, le renvoi de Speranskij et la montée en puissance d’Arakčeev, ou encore le changement d’attitude face à la Pologne, Rabbe remarquait par exemple qu’à la fin de sa vie, l’« empereur Alexandre semblait disposé à défaire tout ce qu’il avait fait pour ses peuples »69. Pourtant, pour la majorité des analystes, il ne s’agissait point de nier l’importance des réformes des premières années ou de douter de leur efficacité, bien au contraire : à en croire le Journal des Débats, Alexandre réussit à établir en Russie « un ordre légal, une bonne justice, une protection égale pour les sujets, l’affranchissement des serfs, la prospérité des paysans, la liberté des cultes, la discussion libre des projets utiles en économie politique »70.

Dans le camp anti-russe, on trouvait pourtant des jugements radicaux, comme celui d’Esneaux et de Chennochot, qui minimisaient la valeur de l’activité réformatrice d’Alexandre. Ils reprirent à leur compte l’argument principal des détracteurs de la Russie au xviiie siècle : le caractère imitatif et superficiel de toutes les réformes russes depuis Pierre le Grand. Le respect manifesté par Alexandre à l’égard de Catherine II au moment de son avènement présageait déjà, selon les auteurs, « un règne plus brillant que fécond en améliorations réelles ». Car le règne de Catherine fut lui aussi marqué par deux périodes biens distinctes : la première où de nombreux projets législatifs furent annoncés pour être encensés par les intellectuels européens, et la seconde qui sonna la victoire de la réaction et l’abandon des projets avant qu’ils eussent abouti71. Jeune et inexpérimenté, Alexandre « n’aperçut pas dans ses projets la vanité et l’injustice qui en faisaient principalement le fond  il ne vit que le vernis de grandeur qui les couvrait »72.

On voit qu’aux yeux d’Esneaux et de Chennochot, Alexandre fut déchiré entre deux nécessités incompatibles : le désir de faire partie de l’Europe en adoptant ses valeurs politiques et culturelles, et la peur d’abandonner l’héritage autocratique de ses ancêtres. Les auteurs considérèrent qu’Alexandre avait reproduit exactement la politique de ses prédécesseurs et que son règne, ne paraissant plus comme une époque exceptionnelle dans l’histoire de la Russie, perdait toute grandeur :

Les souverains russes voudraient ne prendre de la civilisation que ce qu’ils croient pouvoir se concilier avec leur autocratie. De là ces restrictions dans les mesures qu’ils ont prises pour la propager parmi leurs peuples  de là leur marche tantôt méticuleusement progressive, tantôt rapidement rétrograde, dans la voie où la vanité, l’ambition, peut-être la nécessité de participer au mouvement intellectuel de l’Europe, les poussent ou les retiennent  de là, à côté des témoignages les plus éclatants de leur ferveur civilisatrice cet air de contrainte et de peur qui leur donne l’apparence du faux zèle : on dirait en effet qu’ils s’efforcent à retenir d’une main les lumières que les force à répandre de l’autre le désir d’une popularité européenne.73

Le repli progressif de la Russie sur elle-même à partir de 1815 témoignait de la victoire de la plus conservatrice de ses deux tendances  la signature de la Sainte Alliance en avait été le prélude dans la politique étrangère. À l’intérieur de l’empire, elle se manifesta par une série de mesures réactionnaires soigneusement relevées par le Journal des Débats : refus de l’instruction de qualité pour la classe inférieure et restrictions des cours publics, défense d’introduire en Russie des livres politiques étrangers, interdiction même de voyager, et à plus forte raison d’étudier dans les pays étrangers, mauvais accueil aux nobles revenant des pays occidentaux. Alexandre semblait avoir suivi les conseils donnés par Joseph de Maistre affirmant avec une nouvelle force l’union du trône et de l’autel : « Le czar, la vieille Russie, la Sainte Église grecque, voilà les trois pensées qui devraient tout remplir et tout dominer », constata encore le journal74.

Pourtant, Alexandre avait lui-même semé en Russie les germes des aspirations libérales, et le soulèvement des Décembristes en donna la preuve un mois à peine après sa disparition. À contre-courant des commentaires de la presse officielle française qui applaudissait la sévérité du nouveau souverain et s’indignait de l’audace et de l’ingratitude des « criminels », Rabbe présenta ce bouleversement politique comme la conséquence de la myopie politique d’Alexandre :

Le trône flotte sur l’abîme des révolutions qui se préparent. Alexandre est mort avant qu’ait éclaté le conflit de ces grandes difficultés. La Providence lui a épargné l’amère douleur de voir les périls que l’avenir garde à sa maison : cependant, on doit regretter qu’il n’ait pu du moins les pressentir  il était dans sa nature s’il eût reconnu parmi ses sujets cette lassitude générale d’une autorité qu’il avait cru rendre si tutélaire, qu’il avait cru investir de tant de respect, il était digne de lui, disons-nous, d’abdiquer la puissance en déclarant peut-être que les rois ont cessé d’être, dans les vues de la Providence, des instruments propres à accomplir le bonheur des nations !75

Ce jugement, étonnant sous la plume d’un admirateur d’Alexandre, frappe par sa lucidité. Mais de telles opinions furent rares : les gouvernements européens ne connaissaient ni ne comprenaient les raisons internes de l’insurrection. L’attention de l’opinion fut vite attirée par les nouvelles du procès des Décembristes, puis par le changement de cap opéré par Nicolas Ier dans la politique extérieure de la Russie. Malgré la publication de quelques biographies élogieuses76, les souvenirs du règne d’Alexandre quittèrent les pages d’actualité, en abandonnant les analyses de sa politique à un cercle étroit d’intellectuels.

L’héritage de la période napoléonienne influença sensiblement l’image d’Alexandre Ier et de son pays sous la Restauration. Les années 1801-1814 contribuèrent à la naissance d’une image idéalisée du tsar présenté comme un monarque éclairé, la censure ne permettant pas l’expression des critiques sur son activité réformatrice ou sur sa responsabilité dans les conquêtes territoriales de la Russie. Lors des événements de 1814-1815, sa victoire militaire sur Napoléon et l’auréole de pacificateur de l’Europe ne permirent pas non plus de développer l’esprit critique de l’opinion sur le sujet. Pendant son séjour à Paris, les libéraux français admirèrent en Alexandre le souverain éclairé, alors qu’aucune des grandes réformes intérieures promises par lui n’était réalisée.

En revanche, sous la Restauration, la liberté relative de la presse aurait pu contribuer à la naissance d’un débat sur l’avenir de la Russie et sur le rôle d’Alexandre. On était en effet en présence du pluralisme des opinions face à la participation du tsar à la politique de la Sainte Alliance et à ses intentions de réformer le pays : les « ultra » comme Joseph de Maistre lui reprochaient d’être trop libéral, et les partisans du libéralisme comme Esneaux attendaient de lui des réformes intérieures pour rapprocher la Russie du modèle politique européen.

Mais les critiques tardèrent à s’exprimer : les anciens émigrés en Russie par sentiment de loyauté, les détracteurs de Napoléon par reconnaissance, d’autres par opportunisme ou parce qu’ils se souvenaient du charme personnel du tsar. Jusqu’à la mort du souverain en 1825, les louanges au monarque furent de bon ton, alors même que se développait la réflexion sur la montée en puissance de la Russie et ses dangers. Même dans le camp pro-anglais hostile à une alliance éventuelle avec l’empire des tsars, le problème de la menace russe se trouva généralement dissocié de la personne d’Alexandre Ier  de même, on reportait sur le cabinet et l’entourage du tsar la responsabilité des actions contre-révolutionnaires de la Sainte Alliance.

Les événements des premières années de règne de son successeur Nicolas Ier influèrent négativement sur l’image d’Alexandre et libérèrent les critiques qui avaient germées depuis 1815. Avec la reprise de la poussée russe vers l’Orient, l’écrasement de l’insurrection en Pologne, la vision de la Russie en France évolua de plus en plus vers celle d’un pays viscéralement conquérant. L’héritage de la propagande napoléonienne y avait contribué en développant le thème de la menace russe dans les premières années du siècle. Sur le plan intérieur, le repli du pays sur soi, le rejet du libéralisme par le nouveau tsar anéantirent les efforts réformateurs d’Alexandre et soulignèrent leur fragilité, voire leur inefficacité. Aussi les attitudes libérales et pacifiques du tsar apparurent-elles comme un accident historique, comme une exception heureuse mais inefficace, allant contre l’évolution naturelle de la Russie.

Ne pouvant s’appuyer sur l’image favorable de son pays et de sa nation, le culte personnel d’Alexandre était voué à un essoufflement rapide et céda la place aux critiques, puis à l’indifférence. Il faudra attendre la fin du xixe siècle, dans le contexte favorable de l’alliance franco-russe et d’une meilleure connaissance de la Russie, pour que la France s’intéresse de nouveau à lui et au rôle non négligeable qu’il joua non seulement dans son pays, mais aussi en Europe.

 

Notes

1 Le Journal des débats du 19 décembre 1825.
2 C.-F.-P. Masson, Mémoires secrets sur la Russie et particulièrement sur la fin du règne de Catherine II et sur celui de Paul Ier, formant un tableau des mœurs de Saint-Pétersbourg à la fin du xviiie siècle, et contenant nombre d’anecdotes recueillies pendant un séjour de dix années, Paris, Levrault, Schevelt et Cie, 1800, 2 vol.  Paris, C. Pougens, an VIII [1800]-an X [1802], 3 vol.  Amsterdam, 1800, 2 vol., etc.
3 J. Esneaux, L.-E. Chennechot, Histoire philosophique et politique de Russie depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Paris, J. Corréard, 1828-1830, 5 vol., t. 5, p. 289  C.-L. Lesur, Les progrès de la puissance russe depuis son origine jusqu’au commencement du xixe siècle, Paris, Fantin, 1812, p. 340  A. Rabbe, Histoire d’Alexandre Ier, empereur de Russie, et des principaux événements de son règne, Paris, 2 vol., 1826, p. 39-40.
4 Terme de Denis Richet, cité par D. Woronoff, Nouvelle Histoire de la France contemporaine, Paris, Seuil, 1972, t. 3, p. 193.
5 C. Corbet, À l’ère des nationalismes. L’opinion française face à l’inconnue russe (1799-1894), Paris, Marcel Didier, 1967  M. Goubina, Les bulletins de l’armée napoléonienne (1805-1812) et le problème épistémologique de la constitution de l’image de la Russie, publication en ligne [http://www.ens-lsh.fr/labo/CID/russe/lj-goubina.htm], page visitée le 27 septembre 2004.
6 Voir E. Jourdan, « Le Testament apocryphe de Pierre le Grand (1794-1836) : universalité d’un texte », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, n° 18, printemps 2004, Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, p. 13-48.
7 50e et 51e Bulletins de la Grande Armée, Varsovie, le 11 janvier 1807.
8 47e Bulletin de la Grande Armée, Pultusk, le 30 décembre 1806.
9 G. de Staël-Holstein, Considérations sur les principaux évènements de la Révolution française, Paris, Charpentier, 1862, p. 138-139, 177  Paris, Delaunay, 1818, 3 vol., 1re éd.
10 G. de Staël-Holstein, Dix années d’exil, S. Balayé et M. Vianello Bonifacio (éd.), Paris, Fayard, 1996, p. 287-290.
11 Lettre de Madame de Staël à Joseph Bonaparte, le 28 germinal an IX (le 18 avril 1801), in Correspondance générale de Mme de Staël, publiée par Béatrice Watson Jasinski, Paris, chez J. Pauvert, t. IV, 1978, p. 368.
12 B. de Montclos, Les Russes à Paris au xixe siècle : 1814-1896, Paris, Paris-Musées, 1996, p. 8-20.
13 Rapport de police sur les lettres de Paris et des départements des 16 et 17 mai 1814, Archives du ministère des Affaires étrangères (MAE), Mémoires et documents, France, t. 336, pièce 22.
14 Ibid., pièce 22.
15 J. Esneaux, op. cit., t. 5, p. 445.
16 Rapport de police sur les lettres de Paris et des départements des 10 et 11 juin 1814, Archives du ministère des Affaires étrangères (MAE), Mémoires et documents, France, t. 336, pièce 32.
17 La police dévoilée, depuis la Restauration, et notamment sous MM. Franchet et Delavau, par M. Froment, ex-chef de brigade du cabinet particulier du préfet de police, Paris, Lemonnier, 1829, 2e édition, 3 vol., t. 1, p. 93.
18 Dans l’année 1814, les Parisiens purent lire un Hommage à l’Empereur de toutes les Russies, par Bachelar, avocat (Demonville)  La Clémence d’Alexandre, par Camusat, avocat [à la cour de cassation et au Conseil des pairs] (Porthmann)  une Épître à S. M. Alexandre Paulowitz, empereur autocrate de toutes les Russies, signé S. Lambert (Dubray et Renand)  une Épître au Grand Alexandre par G. R. Momet (Poulet)  l’Ode à S. M. l’Empereur Alexandre de B. Letournan (Didot jeune)  une Ode à S. M. l’Empereur Alexandre lors de son entrée à Paris par A. Huot et N. Collin (Dehansy) ou encore l’épître À. S. M. l’Empereur Alexandre, libérateur, par X.-V. Draparnaud (Dehansy).
19 L’an 1835, ou l’Enfant d’un Cosaque, mélodrame en 3actes, à spectacle, par M.Victor [Ducange], représenté pour la première fois à Paris, théâtre de l’Ambigu-Comique, le 23 mars 1815 et publié chez Fages, à Paris.
20 J.-A. de Révéroni de Saint-Cyr, L’officier russe à Paris, ou Aventures et Réflexions critiques du comte de ***, Paris, Ergon et Barba, 1814, 2 vol., voir t. 1, p. 8 et t. 2, p. 254.
21 Expression de Chateaubriand, dans un billet adressé à Madame de Krüdener, 1815.
22 Le terme est de C. Corbet, op. cit., p. 95.
23 C. de Grunwald, « Les Russes à Paris en 1814 », Revue des travaux de l’Académie des sciences morales et politiques et comptes-rendus de ses séances, 1954, 1er semestre, p. 2.
24 Bulletin de police du 3 juin 1814, Archives du ministère des Affaires étrangères (MAE), Mémoires et documents, France, t. 336, pièce 27.
25 Minute des instructions pour le comte de Noailles, ambassadeur en Russie, août 1814, Archives du ministère des Affaires étrangères (MAE), Mémoires et documents, Russie, t. 33, f. 8-9.
26 C. Corbet, op. cit., p. 110-140  M. Fridieff, « L’Empire russe vu par les hommes de la Restauration », Revue internationale d’hstoire politique et constitutionnelle, n° 22, avril-juin 1956, p. 108-124.
27 D. de Pradt, Parallèle de la puissance anglaise et russe relativement à l’Europe, suivi d’un aperçu sur la Grèce, Paris, Béchet aîné, 1823  Du système permanent de l’Europe à l’égard de la Russie et des affaires d’Orient, Paris, Pichon et Didier, 1828.
28 La Gazette de France : publication devenue quotidienne à partir de 1792. Bonapartiste sous l’Empire, royaliste sous la Restauration, elle va désormais demeurer l’organe des légitimistes jusqu’à la cessation de sa parution en 1914.
29 A. Rabbe, op. cit. Alphonse Rabbe : écrivain romantique, auteur de l’Album d’un pessimiste (Paris, Dumont, 1835-1836, 2vol., édition posthume)  biographe (Biographie universelle et portative des contemporains, Paris, Boisjoslin, 1830, 4 vol.)  journaliste, auteur d’un Résumé de l’histoire de Russie (Paris, Lecointe et Durey, 1825) et d’une Géographie de l’Empire de Russie (Paris, A. Dupont, 1828, 2 vol.).
30 J. Esneaux, op. cit. Joseph Esneaux : écrivain et historien, auteur du Don Quichotte moral et politique (Paris, J.Esnaux, 1817), des Considérations sur les projets de l’aristocratie (Paris, J.Esnaux, 1820) et du Journal militaire de la Révolution française (Paris, J.Esnaux, 1822).
31 Le Journal des Débats : fondé en 1789, il est le plus influent des journaux royalistes pendant la première moitié du siècle et devient, avec Chateaubriand, le porte-parole de l’opposition à partir de 1824.
32 Le Journal de Paris du 21 décembre 1825.
33 L.-G. de Puibusque, Lettres sur la guerre de Russie en 1812, sur la ville de Saint-Pétersbourg, les mœurs et les usages des habitants de la Russie et de la Pologne, Paris, Magimel, Anselin et Pochard, 1816  G. Chambray, Histoire de l’expédition de Russie, par M. ***, avec un Atlas par Brussel de Brulart, un Plan de la bataille de la Moskowa et une Vue du passage du Niémen, Paris, Pillet, 1823, 2 vol.  D. de Pradt, Histoire de l’ambassade dans le Grand-Duché de Varsovie en 1812, Paris, Pillet, 1815.
34 p. -P. Ségur, comte de, Histoire de Napoléon et de la Grande Armée pendant l’année 1812, Paris, Baudouin frères, 1824, 2 vol.
35 La Revue Encyclopédique, t. 27, juillet 1825, p. 81.
36 La Gazette de France du 19 décembre 1825.
37 La Gazette de France du 25 décembre 1825.
38 G. de Staël-Holstein, Dix années..., op. cit., p. 257.
39 A. Rabbe, op. cit., t. 1, p. 232.
40 La Gazette de France du 21 décembre 1825.
41 La Revue Encyclopédique, t. 20, novembre 1823, p. 321.
42 A. Rabbe, op. cit., t. 1, p. 65.
43 La Gazette de France du 25 décembre 1825.
44 Le Journal des Débats du 19 décembre 1825.
45 G.-F. de Vaudoncourt, Mémoires pour servir à l’histoire de la guerre entre la France et la Russie en 1812, par un officier de l’état-major de l’armée française, Londres, Deboffe, 1812, 2 vol.
46 E. Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, ou Journal où se trouve consigné, jour par jour, ce qu’a dit et fait Napoléon pendant dix-huit mois, Paris, Lebègue, 1823, 8 vol.
47 Ibid., dimanche 10 au mardi 12 mars 1816, t. 1, p. 438.
48 Allusion au comte de Nesselrode et à Metternich.
49 Le Journal des débats du 19 décembre 1825.
50 A. Rabbe, op. cit., t. 1, p. 42.
51 J. Esneaux, op. cit., t. 5, p. 363.
52 Ibid., t. 5, p. 295.
53 A. Rabbe, op. cit., t. 1, p. 41.
54 Du pape, Lyon, Rusand, 1819 (2 vol.), 1821 (2 vol.) et 1830  Les Soirées de Saint-Pétersbourg, ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, Paris, Librairie grecque, latine et française, 1821 (2 vol.), et Paris, Rusand, 1822 (2 vol.).
55 J. de Maistre, Quatre chapitres inédits sur la Russie, Paris, 1859, p. 13.
56 Ibid., p. 28.
57 R. Faure, Les Souvenirs du Nord, ou La guerre, la Russie et les Russes, ou l’Esclavage, Paris, Pélicier, 1821  p. Ducret de Passenans, La Russie et l’esclavage dans leurs rapports avec la civilisation européenne, Paris, Blanchard, 1822.
58 Exemples d’article sur l’abolition du servage en Livonie : La Revue Encyclopédique, t. 16, octobre 1822, p. 625  t. 19, septembre 1823, p. 722.
59 La Gazette de France du 19 décembre 1825.
60 La Gazette de France du 25 décembre 1825.
61 J. Esnaux, op. cit., t. 5, p. 381-382, 468.
62 Ibid., p. 499.
63 La Gazette de France du 21 décembre 1825.
64 Le Journal des débats du 19 décembre 1825.
65 C. Malté-Brun, Traité de la légitimité, considérée comme base du droit public de l’Europe chrétienne, précédé d’une lettre à S. S. le vicomte de Chateaubriand, sur le rapprochement des opinions et suivi de l’Éloge historique de Saint Louis, Paris, Gosselin, 1825, chap. 19.
66 J. Esneaux, op. cit., t. 5, p. 291.
67 Le Journal des Débats du 19 décembre 1825.
68 J. Esneaux, op. cit., t. 5, p. 290.
69 A. Rabbe, op. cit., t. 2, p. 383.
70 Le Journal des débats du 19 décembre 1825.
71 A. Lortholary, Les philosophes du xviiie siècle et la Russie : le mirage russe en France au xviiiie siècle, Paris, Boivin et Cie, 1951.
72 J. Esneaux, op. cit., t. 5, p. 290-297.
73 J. Esneaux, op. cit., t. 5, p. 293-294.
74 Le Journal des Débats du 19 décembre 1825.
75 A. Rabbe, op. cit., t. 2, p. 416-417.
76 S. de Tisenhausen, comtesse de Choiseul-Gouffier, Mémoires historiques sur l’empereur Alexandre et la cour de Russie, p. Leroux, 1829  A.-C. Égron, Vie d’Alexandre Ier, Empereur de Russie, suivie de notices sur les grands-ducs Constantin, Nicolas et Michel, Paris, F. Denn, 1826.

 

Pour citer cet article : Elena Jourdan, « L’image d’Alexandre Ier sous la Restauration : du culte à l’oubli (1814-1830) », colloque Les Premières Rencontres de l’Institut européen Est-Ouest, Lyon, ENS LSH, 2-4 décembre 2004, http://russie-europe.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=60