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ENS Lettres et Sciences Humaines

 

 


L’itinéraire intellectuel de Pavel Muratov

 

Danièle BEAUNE-GRAY
Université de Provence

 

Dilettante éclairé, Muratov, avant l’émigration, toucha à de nombreux domaines : journalisme militaire, histoire de l’art (russe, byzantin, européen), critique littéraire et, en 1914, édita sa propre revue, Sophia, dans laquelle il défendait un classicisme pérenne. Ses Images d’Italie, publiées en 1911, et sa participation à la première exposition d’icônes russes en 1913, lui ouvrent la célébrité.

La période bolchevique, jusqu’à son bannissement en 1922, le force à entrer dans une émigration intérieure dont le but est de conserver les trésors du passé. Par son instabilité, elle confirma son goût de continuité du jugement esthétique.

L’émigration en le privant d’une grande partie des outils de travail nécessaires à l’analyse (bibliothèques russes, archives, milieu intellectuel et artistique varié) le poussa à utiliser les matériaux qu’il avait accumulés pour élaborer une synthèse originale. Sa réflexion sur l’art européen parut dans ses ouvrages écrits en exil et, en particulier, dans une série d’articles sur « l’anti-art » dans les Annales Contemporaines (Sovremennye zapiski) entre 1923 et 1927. Il prenait ainsi part à une polémique lancée par Zinaida Gippius sur la dégradation de la littérature russe exilée et élargissait le débat au délitement de l’art européen.

Puis, dans les années 1930, les événements politiques (montée en puissance de Stalin) le poussant vers une vision du monde toujours plus conservatrice, il ne publie plus que dans Renaissance (Vozroždenie), périodique qui après le départ de P. B. Struve, avait été repris par un anti-bolchevique notoire. Enfin, à Paris tout d’abord, puis dans un domaine irlandais où il mourut en 1945, il revint à son point de départ, l’histoire militaire russe tout en l’inscrivant dans un contexte européen élargi.

 



Danièle Beaune-Gray

Danièle Beaune-Gray, agrégée de l’Université, est maître de conférences à l’université de Provence. Elle a consacré sa thèse de doctorat à G. P. Fedotov (publication en 1990 aux PUP : G. P. Fedotov, ce qui demeure... Introduction, traduction et commentaires)

Détachée auprès du Ministère des Affaires étrangères de 1988 à 1991, elle a été conseiller culturel adjoint près de l’Ambassade de France à Moscou.

Elle a publié une dizaine d’articles sur l’émigration (GRER, Zvezda, ANR) et des archives commentées du Général Koutiepov (PUP, 1997). Elle a également organisé le colloque sur les historiens de l’émigration (Centre d’Études Slaves, Paris, 1999).

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Dernières traductions :

K. N. Leontiev, L’Européen moyen, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1998.

K. N. Leontiev, Écrits Essentiels, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2003.