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ENS Lettres et Sciences Humaines

 

 

 

Mémoires et journaux intimes féminins rédigés en français dans le premier quart du XIXe siècle : aspects religieux et linguistiques

Elena GRETCHANAÏA
Académie des Sciences de Russie, Institut de littérature mondiale, Département de littérature européenne et comparée

 


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Mots-cls : crits intimes, religion, langue, mythologie personnelle

 

Les crits autobiographiques des femmes russes rdigs en franais apparaissent dans la deuxime moiti du xviiie siclesous forme de journaux de voyage, de journaux personnels et de mmoires, et appartiennent aux reprsentantes de l’aristocratie. Ces crits, surtout les journaux, connaissent un dveloppement croissant dans la premire moiti du xixe sicle. Parmi diffrents aspects des crits autobiographiques fminins de cette poque1, ceux qui ont rapport avec la situation religieuse et linguistique spcifique de la Russie d’Alexandre Ier sont caractristiques des processus culturels qui marquent son rgne. Les textes autobiographiques prsentent cette situation culturelle  vue de l’intrieur  : au niveau de la vie quotidienne de la noblesse russe. En mme temps, les tmoignages personnels forment un tableau collectif. 

Parmi plusieurs crits du premier quart du xixe sicle, rests indits, et qui ont fait l’objet d’tude dans le cadre du Programme international de coopration scientifique, en collaboration avec Catherine Viollet2, nous choisissons comme objet d’analyse, du point de vue des aspects religieux et linguistiques, les journaux intimes de Marija Bahmeteva (1805-1807), de la comtesse Marija Jur’evna Tolstaja (1818-1822) et de la princesse Elizaveta Aleksandrovna ahovskaja (1820-1825), ainsi que les souvenirs de la comtesse Praskov’ja Nikolaevna Fredro (1823-annes 1840), une note autobiographique d’Aleksandra Hvostova (1821 ou 1822) et les souvenirs de Madame de Krdener (1823-1824).

Un espace religieux soi

Les femmes contribuent cette poque la formation d’une atmosphre religieuse spcifique, caractrise par la prsence importante d’influences occidentales. On connat le rle de Madame de Krdener3 et de Sof’ja Mečerskaja4 dans l’volution spirituelle d’Alexandre Ier. La religiosit fminine est en partie adopte par l’empereur russe. Or, cette religiosit se prsente comme un ferment actif de la construction de soi et de la production de mythes. De pareilles tendances peuvent avoir lieu au sein mme de la religion orthodoxe qu’il serait difficile de dfinir comme  une cole d’individualisation  (si on reprend l’expression d’Andr Gide concernant le christianisme). Marija Bahmeteva, Marija Tolstaja et Elizaveta ahovskaja, auteurs des journaux, sont orthodoxes. Elles mentionnent rgulirement les ftes religieuses, les carmes, assistent aux liturgies qu’elles nomment d’ailleurs  messes , et aux autres offices. En mme temps, leur position face l’glise et la religion manifeste souvent des traits individuels.

Pour Marija Bahmeteva (vers 1788 - ?) la religion est en premier lieu un moyen de se rapprocher de son fianc lors de leur sparation, de crer un lien affectif supplmentaire entre elle et lui (son journal de jeune fille est adress son bien-aim) :

J’ai pass la matine mditer, rver et songer toi, mais maman m’a appele pour aller l’glise avec elle, j’y ai t, j’ai port mes vux fervents au Ciel pour votre conservation.5

Quand, aprs son mariage, Marija se sent en proie son amour excessif, aux tourments causs par ce qu’elle peroit comme l’indiffrence de son mari, le discours religieux disparat pratiquement de son journal. Elle n’est proccupe que par la conduite de son mari envers elle, obsde par l’ide qu’il a cess de l’aimer. Elle a  l’enfer dans le cur 6, donne un compte rendu dtaill de son tat lamentable, et ses prires se transforment en un cri de dsespoir :

Aprs le dner je suis alle avec maman l’glise, j’y ai tant pri Dieu que maman mme s’tait tonne, j’ai pri le Trs-Haut de me rendre mon bonheur pass ou de finir mon existence.7

L’glise ne lui procure pas de rconfort, elle est parfois  force  d’assister aux offices divins ; la femme d’un prtre, venue en visite, l’importune. Un certain loignement de l’glise est li en mme temps un renforcement des accents individuels, une parfaite concentration sur son monde intrieur, dpourvu d’appui spirituel.

La tendance individualiser le discours religieux, le lier une histoire personnelle est propre aux journaux de la comtesse Marija Tolstaja (ne princesse Obolenskaja, 1802 - aprs 1847) et de la princesse Elizaveta ahovskaja (ne Muhanova, 1803-1836). Orpheline ds son enfance, Marija Tolstaja fait ses tudes l’Institut Smolny o elle admire Fnelon et Bossuet, et excelle dans la rdaction de leurs biographies. Dans cet institut, aux heures de la prire, les principales confessions chrtiennes sont prsentes :  Aprs les prires russes, une Allemande la fait en allemand, et une catholique en franais. Ensuite la Russe lit un vangile. 8 La lecture des livres en franais, anglais, italien et allemand constitue une des principales occupations de la princesse aprs sa sortie de l’institut, d’autant plus qu’elle se sent souvent seule et prive de toute libert : la lecture lui permet de s’abandonner aux voyages imaginaires. Elle se plaint de la tyrannie de sa tante qui est sa protectrice, entre souvent en conflit avec elle, et une certaine indpendance galement vis--vis de ses devoirs religieux perce parfois dans son journal : il lui arrive de manquer  la messe  ou de trouver un office trs long. Dans son discours religieux les rflexions sur l’amour-propre, considr comme mobile principal des actions humaines, tiennent une place considrable. Ouverte la culture europenne, grande admiratrice des romans de Walter Scott, Marija insiste sur son image d’ orpheline sensible  qui se trouve  parmi les trangers 9, en manifestant ainsi la tendance crer un moi part, romanesque. La religion fait partie de son paysage intrieur, sentimental pour l’essentiel, et  une fervente prire Dieu  lui permet de mieux saisir et de rtablir sa personnalit, de se sentir  meilleure  et  plus heureuse 10.

Le discours religieux frquent et parfois prdominant dans les journaux d’Elizaveta ahovskaja contribue encore plus forger un espace tout personnel. De nombreuses invocations Dieu sont intimement lies son bien-aim, le prince Valentin ahovskoj qui, comme c’est aussi le cas de Marija Bahmeteva, sont adresss plusieurs de ses journaux de jeune fille :

Hier en me couchant, j’ai pri Dieu pour toi, comme je le fais tous les matins et soirs, je l’ai conjur de veiller sur toi, de t’accorder un bonheur parfait. Ah ! je l’ai aussi pri que Valentin m’aime, qu’il ne m’oublie pas [...].11

Je te rends grce, oh mon Dieu, pour ces jouissances que tu m’accordes, la certitude d’tre aime est la plus grande des flicits. Valentin et moi, nous nous plaignons souvent quand nous sommes ensemble que nous ne pouvons l’tre constamment. Mon Dieu, que ces plaintes ne nous fassent pas mriter la privation de notre bonheur, de grce ne faites attention qu’ notre reconnaissance.12

Cette sorte de  conversation  directe avec Dieu s’tablit apparemment par suite de l’initiation au mysticisme europen, favoris dans la deuxime moiti du rgne d’Alexandre Ier.

Jeune fille, Elizaveta ahovskaja lit en 1822, La connaissance de soi-mme de John Mason (1783), ouvrage pitiste clbre, devenu une sorte de bible maonnique, et elle essaie de mettre sa lecture en pratique, de rgler sa conduite sur les prceptes contenus dans ce livre :

Depuis huit jusqu’ dix [sic] j’ai lu La connaissance de soi-mme par Mason en anglais -  Aprs avoir pris de bonnes rsolutions pour la journe, je priai Dieu qu’il m’aide les mettre en uvre.13

Dans son journal de 1824, elle mentionne, parmi les livres lus, des ouvrages catholiques : les uvres de Saint Franois de Sales, de Fnelon, Le combat spirituel de Laurent Scrupoli (xvie sicle), traduit en franais14, L’vangile mdit15. Aprs son mariage, elle lit avec son mari chaque matin De l’imitation de Jsus-Christ.

En 1825, Valentin s’apprte devenir franc-maon. Sa femme relate dans son journal que son beau-frre, Aleksandr Murav’ev16 :

l’engage tre Maon, son loquence est si persuasive qu’il a vite dcid mon poux, qui m’a parl si je ne suis pas contre la maonnerie -  aprs avoir rflchi sur la rponse que j’avais faire je lui ai dit que j’en ai peu de connaissance, mais juger d’aprs son institution primitive, elle a t base sur des principes trs distingus -  qu’elle me parat d’un grand secours pour ceux qui veulent s’occuper avec ardeur et suite de tout ce qui peut nous conduire la perfection -  mais qu’on en a fait tant d’abus malhonntes, qu’on a peine trouver un vritable maon -  que je redoute pour lui qu’il ne devienne sectaire d’une secte belle au fond mais cette heure-ci mal entendue.17

Elizaveta redoute que cette organisation n’loigne son mari de sa famille, elle veut protger leur espace spirituel intime et commun, surtout parce que les francs-maons excluent les femmes de leur socit :

Ah ! mon Valentin serais-tu sous une influence, qui ne m’influencerait pas, que c’est impossible -  et mon enfant y sera-t-il tranger -  oh ! non ; tu es notre ami, notre guide, cher Valentin -  [...] Puisses-tu, mon bien cher mari, ne point changer mon gard, puisses-tu ne pas aimer moins tendrement ta femme, parce qu’on mprise tant notre sexe, qu’on l’exclut de cette socit ! qu’on ne lui permet plus mme de vouloir savoir ce que c’est [...].18

Le prtre, confesseur de Valentin, recommand par Murav'ev, cause des soucis Elizaveta. En mme temps, elle porte un intrt certain pour les livres maonniques. Si le livre de Mason lui servait de guide, dans son journal de 1825, tenu aprs son mariage, elle mentionne le titre russe d’un livre, Istina religii (La vrit de la religion), qu’elle lit, et qui est bien une uvre maonnique. Cet ouvrage de Gotthard Friedrich Stender, un franc-maon allemand, fut publi en traduction russe en 1785, dans la typographie du clbre franc-maon Nikolaj Novikov, par un autre franc-maon connu Ivan Lopuhin (cette traduction parut aussi en 1820). Dans ce mme journal de 1825, Elizaveta transcrit un passage des Commentaires d’Hirocls, sur les Vers dors de Pythagore, et Pythagore tait pour les francs-maons une des figures de proue19 :

Les Commentaires d’Hiracls [sic] sur les Vers dors de Pythagore20. Et quand aprs avoir dpouill ton corps mortel, tu arriveras dans l’air le plus pur. Tu seras un Dieu immortel, incorruptible et que la mort ne dominera plus.

Voil la fin glorieuse de tous nos travaux ; voil comme dit Platon, le grand combat, et la grande esprance qui nous est propose ; voil le fruit trs parfait de la vritable Philosophie. C’est l l’uvre le plus grand et le plus excellent de l’art de l’amour, de cet art mystique, d’lever et d’tablir dans la possession des vritables biens, de dlivrer des travaux d’ici-bas, comme du cachot obscur de la vie terrestre, d’attirer la lumire cleste et de placer dans les les des bienheureux ceux qui ont march par les voies que nous venons de leur enseigner. C’est ceux-l qu’est rserv le prix inestimable de dification. Car il n’est permis de parvenir au rang des Dieux, qu’ celui qui a acquis pour l’me la vrit et la vertu ; et pour son char spirituel, la puret.21

En transcrivant ce passage avec quelques modifications ( la fin glorieuse  au lieu de  la fin trs glorieuse  ;  le fruit [...] de la vritable Philosophie  au lieu de  le fruit [...] de la Philosophie , l’auteur du journal se l’approprie, l’intgre dans son espace spirituel et le fait interprte de ses propres aspirations qui s’avrent tre non moins que  de parvenir au rang des Dieux . La connaissance et l’invention de soi vont de pair dans le journal de la princesse ahovskaja, influence par ces lectures et son entourage.

Mis part son beau-frre, le propre frre d’Elizaveta, Petr Muhanov, impliqu dans le complot des Dcembristes, tait lui aussi franc-maon. Mais Valentin n’a pas eu le temps de le devenir. La rvolte des Dcembristes aggrava le danger que reprsentait le fait d’appartenir aux socits secrtes, et par ailleurs Aleksandr Murav’ev qui devait introduire Valentin dans une loge, fut arrt aprs cette rvolte et exil.

La  privatisation  de l’espace religieux et l’adoption dans les crits intimes d’une position spirituelle spcifique, sensibilise aux principales tendances culturelles europennes, tant dans le domaine de la religion que dans celui de la littrature, contribue l’intriorisation du discours autobiographique, une remise en valeur du moi et l’apparition de la mythologie personnelle.

Vers un moi mythique

La cration de son propre espace religieux peut s’accompagner, surtout dans le cas de l’adoption de modles culturels europens, par la tendance se reprsenter, sur le fond de cet espace qui sert donner plus de relief sa personnalit, comme figure aux traits mythiques.

La comtesse Praskov’ja Fredro (ne comtesse Golovina, 1790-1869 ; elle tait fille de Varvara Golovina, auteur elle aussi de Souvenirs), convertie au catholicisme en 1814, entreprend la rdaction de ses souvenirs en 1823, pour les poursuivre ensuite dans les annes 1840. Elle insiste sur le fait que son approche du catholicisme, dans son enfance, lors de son sjour Paris en 1802-1804, s’effectua travers le spectacle des reprsentants de l’Ancien Rgime, des  anges  qui sont rests fidles leur foi. La fascination de la grandeur morale est maintenue par la lecture des livres catholiques. Praskov’ja cultive son image de martyre, prdestine aux souffrances. Elle est seule au sein de sa famille,  jamais son cur ne s’ouvrit 22, et c’est dans la profession de la religion catholique qui demandait l’poque beaucoup de force morale qu’elle trouve une occupation la hauteur de ses aspirations :

Les livres catholiques me charmaient. Naturellement orgueilleuse, j’avais l’me tendre et hautaine la fois. J’aimais avec passion et fiert. Je trouvais dans le catholicisme cette grandeur qui me charmait : je l’y trouvais pure. L seulement vibrait la rponse tous mes sentiments ; l surgissait la dmonstration pour toutes mes incertitudes. [...] le Ciel me destinait une longue vie de douleur, et Il me prparait les supporter.23

Praskov’ja se marie avec un Polonais dans l’unique but de pouvoir pratiquer sa religion. L’empereur Alexandre Ier (qui entretient des relations amicales avec sa famille) participe la constitution et la protection de cette position particulire, la limite de la marginalit, qui devient celle de la jeune Praskov’ja. Dsapprouvant sa conversion conformment son devoir du chef de l’glise orthodoxe, Alexandre manifeste en mme temps la volont d’en garder le secret et favorise ainsi l’union de la religion et du mystre :

Au sujet de la religion l’Empereur me fit une longue morale ; me dit qu’il dsapprouvait extrmement le parti que j’avais embrass ; qu’il tait fcheux qu’une personne comme moi se ft jete dans une autre religion que celle de ses pres, ainsi de suite ; mais que le mal tait fait, il n’y avait plus y revenir, qu’il n’en resterait pas moins mon ami et qu’il m’aiderait cacher mon pre ce secret qu’il devait toujours ignorer.24

La comtesse Fredro espre voir l’empereur partager les aspirations catholiques et prendre la tte du mouvement pour la runion des glises, mais doit constater qu’il ne fit que rpandre  une tendance purile  d’ aimer Dieu parce qu’Il tait en faveur la cour 25 et qu’il se laissa guider par les mystiques d’origine protestante. Praskov’ja qui, aprs l’exil des jsuites en 1815, prend la libert de  bouder  Alexandre (selon l’expression de ce dernier)26, reprsente sa vie ultrieure (elle a d s’expatrier et s’installer en France) comme une srie d’preuves survenues par suite de sa fidlit au catholicisme.

L’laboration de la mythologie personnelle est encore plus vidente dans le cas de l’exprience qui se veut mystique. Aleksandra Hvostova (ne Heraskova, 1768-1853), une femme crivain rdige en 1821 ou 1822 une note autobiographique intitule L’ducation particulire, qu’elle envoie la baronne de Krdener et sa fille. Madame de Krdener (1764-1824) prche cette poque Saint-Ptersbourg, soutenue toujours par sa fille, et conservant l’espoir de redevenir guide spirituel d’Alexandre Ier. Le tsar, selon les projets de la baronne, devait prendre la tte de la nouvelle glise chrtienne, libre des barrires confessionnelles. Mais il ne pouvait le faire sans  cette femme habitue vivre aux pieds du Christ 27, comme lui crivait Madame de Krdener, qui s’attribuait videmment un rle crucial dans la rgnration de l’humanit. Sa religion, luthrienne d’origine, tait fortement marque par l’influence du mysticisme et notamment du pitisme.

Ces composantes deviennent aussi des repres pour Aleksandra Hvostova, reste d’ailleurs au sein de l’glise orthodoxe. Dans sa note autobiographique, elle retrace sa vie du point de vue de son volution spirituelle, une sorte de rveil pitiste.  L’ennui dvorant consumait mon cur 28, crit-elle propos de sa jeunesse. C’est Madame Guyon qui  avait rveill une nouvelle me dans la sienne , la lecture de sa Vie fut  un coup de foudre  :  Quoique tout me semblait (sic) fanatique, extraordinaire, je dirai presque ridicule dans ce livre, nanmoins je ne pouvais m’en dtacher.  Elle finit par s’approprier le Dieu de Madame Guyon qui devint  son Dieu  et se croit en droit d’enseigner des vrits religieuses,  des mystres trs importants . Aleksandra Hvostova les exposa dans ses deux ouvrages rdigs en russe29. Le premier est adress au clbre maon Aleksandr Labzin et sa femme. Elle y raconte notamment que, lorsqu’elle lisait le Combat spirituel,  un chur d’Anges joyeux vola vers elle 30. Dans L’ducation particulire l’auteur met son existence extraordinaire en parallle avec celle des lus :

Oui, il y a des lus, et dans cette foule immense d’appels, il y a des tres privilgis, mais que sont ces lus du Seigneur sinon ceux que dans Sa sainte prescience il voit arriver au but immanquablement. 31

On trouve une reprsentation analogue de sa propre existence dans les Souvenirs de Madame de Krdener, rdigs vers la fin de sa vie, peut-tre en partie sous l’influence du texte de Hvostova. Madame de Krdener est devenue de son vivant une figure emblmatique du rgne d’Alexandre Ier. Consciente de ce fait, elle continue dans ses Souvenirs cultiver son moi lgendaire : hritire des chevaliers teutoniques et des Templiers, elle est prdestine remporter des victoires spirituelles. Elle rassemble les fidles sous la bannire du tsar Alexandre qui fait son entre Paris aprs la victoire remporte sur l’arme de l’ Antchrist , c’est--dire Napolon :

[...] je vis l’homme des grandes destines entrer avec cette haute bannire, cette croix sous laquelle mes heureux regards virent se ranger des Rois et des peuples.32

Dans la premire version des Souvenirs, Madame de Krdener est encore plus explicite en ce qui concerne son image sublime. Elle propose la description de sa vie comme un modle et un moyen de salut :

Peut-tre en entendant les simples accents de la vrit le lecteur croira-t-il comme le ptre des Alpes qu’ils venaient lui d’une patrie qui le rclame, peut-tre que ravi par de clestes motions il tendra vers le Ciel ainsi que je l’ai fait des bras appesantis par le joug de la terre, peut-tre qu’ayant perdu dans la nuit des doutes et dans les tourments des passions toute lumire, il verra marcher devant lui une femme qui ayant jet loin d’elle tout ce que les hommes envient et dsirent, lui tracera une route magnifique o toute les sources qui dsaltrent s’ouvriraient pour lui [...]33

Madame de Krdener se concevait apparemment ainsi, marchant devant l’empereur pour lui indiquer le droit chemin. Un contemporain sentit bien le lien qui existait entre cette  religion du cur  et le culte de son moi :  Il [l’empereur] a fini par trouver dans la doctrine de Madame de Krdener une religion selon son cur et son amour-propre [...]. 34 Le rle de la baronne qui fit croire Alexandre sa  mission surnaturelle  est encore une fois attest par la comtesse Fredro qui dcrit ainsi dans ses souvenirs le parcours spirituel de l’empereur :

En rendant justice la douceur naturelle de l’Empereur il faut convenir qu’il y avait une trange inconsquence dans ses ides. Tant qu’il fut trs jeune il participa de l’impit ou du moins de l’indiffrence de cette poque ; mais son me n’avait point t cre pour l’gosme et l’ironie des athes : elle cherchait une croyance, et lorsqu’il rencontra Madame de Krdener il crut l’avoir trouve. Il s’y attacha avec cette mme passion qu’il avait pour la libert des peuples, l’exaltation religieuse se confondit avec l’exaltation politique ; il se crut appel protger, dlivrer une masse d’hommes dont les Russes n’taient qu’une petite portion. Il veilla des esprances folles, devint l’idal des novateurs, courut le monde, sema l’or de son empire pour des utopies ; s’associa au mysticisme libral allemand, au libralisme hellnique du comte Capo d’Istria, voulut affranchir la Russie de l’esclavage ; puis tout coup s’effraya des progrs de cet esprit d’insurrection qu’il avait fait clater ; confondit, dans sa terreur, la cause des Grecs avec l’extravagances des socits secrtes ; conut, dans le cabinet de sa prophtesse, le projet de la Sainte Alliance (garantie mutuelle des Princes contre les propagateurs des ides nouvelles), ngligea le soin de son pays pour dominer dans les congrs ; et se mit prcher, avec toute la ferveur d’une mission surnaturelle, un catchisme entirement oppos aux promesses qu’il avait faites.35

La construction d’un moi lgendaire favorisait en mme temps la formation de l’image religieuse de la Russie, composante essentielle du nouveau mythe russe. Et Madame de Krdener, par sa propre image, et en insistant dans ces crits adresss Alexandre Ier, mais aussi dans son ouvrage Le Camp de Vertus, publi en 1815, sur l’lection du peuple russe ( c’tait un misrable nant mais le Seigneur habitait avec lui 36), contribua l’affermissement de ce mythe de mme que les ferventes catholiques russes, tablies l’tranger, telles la princesse Zinaida Volkonskaja, la comtesse Fredro ou Sof’ja Svečina. La mythologie personnelle alimente la mythologie collective.

 Elle savait mal le russe [...]  ?

Dans le premier tiers du xixe siclese poursuit la formation de la langue littraire russe qui atteint son point culminant dans l’uvre d’Aleksandr Pukin. Cette priode est marque par  les contradictions stylistiques 37, dues aux diffrentes positions face l’influence europenne, en premier lieu franaise. Le rle des femmes dans cette situation langagire est particulirement important puisque  le got de la femme mondaine  fut, depuis la rforme du russe par Nikolaj Karamzin, un des critres de la langue correcte, tant crite que parle38. Or, les journaux intimes fminins mettent en question l’image de la femme russe de l’poque qui  savait mal le russe  et  s’exprimait avec peine en sa langue maternelle 39, ainsi qu’elle est reprsente dans le pome de Pukin Evgenij Onegin (chapitre 3, strophe XXVI). Si le franais reste la langue principale des textes autobiographiques des femmes russes nobles40, le premier quart du xixe siclevoit aussi l’apparition, autour des annes 1820, des journaux intimes qui peuvent tre qualifis de bilingues, o des passages en russe tiennent une place considrable. Le russe, d’ailleurs, a toujours t prsent dans les journaux fminins tenus en franais mais d’une manire rduite, dans le cas surtout de la transcription des noms propres, des toponymes ou des notions ayant trait la religion orthodoxe.

Ce procd est utilis dans le journal de Marija Bahmeteva qui crit en russe les noms propres, surtout quand ils se composent du prnom et du patronyme ( Дмитрий Моисеевич ,  Dmitrij Moiseevič ), mais aussi les titres des spectacles russes ( Князь-невидимка ,  Le prince invisible ). Si le mot russe botvin’ja ( soupe la betterave ) apparat dans son journal transcrit en caractres latins ( botvinia ), sa bonne connaissance du russe est atteste par le fait qu’elle lit et traduit du russe en italien les extraits du livre d’Aleksandra Hvostova La chemine et le ruisseau (Kamin i ručejek).

Le journal bilingue le plus connu de cette poque appartient Anna Kern qui le tient en 182041. Reprsentante de la petite noblesse de province, Anna Kern matrise bien le russe qui lui est aussi familier que le franais ; sa langue porte l’empreinte vidente de la langue des sentimentalistes russes. L’auteur traduit avec aisance des passages des uvres de Madame de Stal et parle de ses propres sentiments en ayant recours un russe livresque.

Un cas en partie diffrent est reprsent par les journaux d’Elizaveta ahovskaja et de Marija Tolstaja. C’est le franais qui est apparemment la langue la plus familire pour elles. Le russe apparat donc dans leurs textes comme un choix volontaire qui devient objet de rflexions.

Elizaveta ahovskaja qui vit, comme l’hrone de Pukin, Tat’jana, la plupart du temps la campagne, connat les uvres de Vasilij ukovskij, d’Aleksandr Pukin, mais aussi d’Aleksandr Bestuev, dfenseur, dans les revues de son temps, de la langue russe avec lequel elle a l’occasion de parler en mars 1823 :

Бестужев [Bestuev] qui est parti aujourd’hui, a dn chez nous, il est rempli d’esprit ; nous avons beaucoup caus sur la littrature russe, qu’il connat fond ; il est si rare de trouver un jeune homme qui s’occupe rellement de sa langue paternelle.42

Elizaveta exprime le souhait de matriser sa langue natale, se prescrit la lecture quotidienne de l’vangile en russe et en esclavon :

[...] я всегда начинаю свой день читая некоторое время книгу, которая может способствовать мне к познанию самого себя; возвратясь из той деревни, я назначила читать каждый день пять глав из Евангелии; для того что во время нашей бытности здесь я непременно хочу прочесть весь новый Завет один раз по русски, а другой по славянски; я люблю свой отечественый язык и желаю утвердиться в нем ; и мне приятно читать Евангелие на своем языке.43

Le dsir de  matriser fermement  le russe (littralement :  s’affermir  dans cette langue) est li videmment un certain affermissement de soi, capable d’adopter, avec une autre langue, une autre optique. Elizaveta ahovskaja laisse les formules franaises, coulantes et faciles, pour un autre mode d’expression, plus difficile pour elle, mais plus  direct  et  authentique  qui permet une plus grande individualisation. Elle passe souvent au russe dans les moments  dcisifs  de l’panchement motionnel, de la mise en scne de soi et de sa lutte intrieure :

Mais je me laisse guider par mon imagination. И я все придумала для будущего счастия, а ничего для того, что мне делать и как поступать, когда ты возворотишься. Ты не поверишь, как трудно быть или лутче сказать казаться чужой для такого человека, котораго любишь более всех. Reviens mon ami, et pense ce que nous devons faire [...].44

Elle sait aussi exprimer en russe son sentiment d’amour, contrairement l’assertion de Pukin (dans le passage dj cit d’Evgenij Onegin) selon laquelle  les dames n’ont pas encore exprim leur amour en russe  ( Доныне дамская любовь // Не изъяснялася по-русски ) :

Je t’attends, mon ami, viendras-tu ? Je suis trs dispose te faire part de mes sentiments. Я право не знаю, от чего я чувствую такое особенное и неизъяснимое чувство. Я всегда его люблю, а сегодня мне мало его любить, мне нужно ему изъяснить, как много я его люблю. En dpit des convenances qui ne mettent que des entraves aux jouissances relles, je lui dirai que je l’adore.45

Le russe est choisi pour donner de la gravit son discours amoureux qui acquiert grce cela des accents spcifiques, fermes et fiers :

Нет, я до тех пор не отвергну надежду, как ты мне сам скажешь, что ты меня более не любишь, что  я тебе чужая , но, друг мой, я надеюсь,что ты не переменился -  С тех пор как мы знаем друг друга, мы не переставали любить, иногда теряли один другого из виду, или лучше сказать были отвлекаемы, теми людьми, которым приятно разлучать [...]. Вот уже две недели прошло, а я тебе не писала ни слова, милой друг, я не буду делать извинений, я привыкла к искренности, и скажу тебе всю истину моего молчания ; я старалась все сие время не забыть тебя, но менее о тебе думать [...].46

Marija Tolstaja choisit le russe quand elle veut restituer son monde elle, se distancier de la socit mondaine, y compris par l’ cran  de la langue populaire, mettre en relief sa propre personnalit :

Il pleut verse ; il fait humide ; j’ai dn avec madame Pitt [lectrice de l’impratrice Elizaveta Alekseevna] qui avait son fils, et un autre jeune homme anglais, un cousin de son fils, et puis donc Constance. Все англичаны, а не руския -  у них все свой разговор, про Лондон, англичан, для меня они все чужие, а их знакомые для меня не интересны. О! как сердце мое желает быть с своими. [...] Чай нада итти мне опять к madame Pitt, нада быть веселой, а то скажут, что за прескучная княжна Оболенская ; а сердце что то не лежит к радости. [...] Я рада хоть с тобой на природном языке поговорить [...].47

Le franais cde la place au russe lors de la prise de conscience d’une exprience individuelle ; pour Marija Tolstaja, c’est son tat d’orpheline qui dtermine sa vision du monde et ses rapports avec son entourage :

Je me suis assise sur un canap toute seule, songeant, combien il tait terrible d’tre orpheline, когда некому заступиться [ quand il n’y a personne pour vous dfendre ], il faut souffrir. Je ne suis pas bien depuis trois ou quatre jours, je ne sais ce que j’ai, mais j’ai un malaise, je suis ple, ple comme la mort, et mon mal de poitrine se fait sentir par ci, par l -  скучно, скучно, Варинька ! Ну чтой то, ей Богу, вечно под властью тридцати нянек быть [...]. [ que c’est triste, triste, Varin'ka, d’tre ternellement, comme un enfant, gouvern par trente bonnes [...]. ]48

Le russe des diaristes inclut parfois des gallicismes, invitables cette poque :  я всегда его люблю  ( je l’aime toujours ),  мы [...] были отвлекаемы  ( nous tions distraits ),  я не имею ничего нового сказать тебе  ( je n’ai rien de neuf te dire )49, crit Elizaveta ahovskaja ;  буду [...] говорить их древний шотландский язык  ( je vais parler leur ancienne langue cossaise ), crit Marija Tolstaja propos de sa lecture d’un roman de Walter Scott. 

Mais leur russe est surtout proche de la langue du peuple avec ses tournures et ses expressions idiomatiques, de cette langue dont se distanciaient Karamzin et ses adeptes, notamment Anna Kern :  Так иной раз так скучно, что хоть плакать  ( C’est si triste parfois, triste pleurer ) ;  сердце что то не лежит к радости  ( mon cur n’est pas dispos la joie ) ;  Я тебе надоела, не знаю как тебя оставить, хоть я из пустова в порожнее переливаю  ( Tu en as assez de moi, mais je ne sais comment te laisser, quoique je ne fasse que rabcher )50 ;  когда хожу, не разбираю дороги  ( quand je marche, je ne vois pas le chemin )51. Ces tournures alternent et s’amalgament parfois avec le franais :  combien il tait terrible d’tre orpheline, когда некому заступиться ,  Валентина так и подмывает танцовать ( Valentin est tout tent de danser ), et en mme temps il craint l’impression que j’en aurai 52,  pour noter notre житие-бытие  ( notre existence )53.

Une parfaite matrise du franais tel qu’il tait form par la culture salonnire et la littrature du xviiie sicle, et en mme temps la pratique du russe populaire sont un trait caractristique du langage de la noblesse cette poque, qui fut souvent l’objet de reprsentations caricaturales54. Or, en juger notamment d’aprs les textes de nos diaristes, cette particularit mrite plutt d’tre remise en valeur. La matrise de diffrents modes d’expression, le passage immdiat d’un registre l’autre tmoignent de cette culture protiforme, propre la Russie, qui permit de s’orienter librement travers plusieurs pratiques culturelles, leur intelligibilit et leur synthse et favorisa en mme temps le maintien, par rapport ces pratiques, d’une certaine distance et la sauvegarde de son espace culturel traditionnel.

Bibliographie

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-,  Motivations et rticences chez les jeunes diaristes russes (xixe sicle) , L. Louvel et C. Rannoux (d.), La Licorne,  La Rticence , Rennes, PUR, n 68, 2004, p. 389-396.

 

Notes

1 I. Savkina,  Piu sebja... : Avtodokumental'nye enskie teksty v russkoj literature pervoj poloviny xix veka ( Je m'cris... : textes autobiographiques des femmes russes et la littrature russe de la premire moiti du xixe sicle), Tampere, University of Tampere, 2001. E. Grečanaja et C. Viollet,  Dnevnik v Rossii v konce xviii-pervoj polovine xix v. kak avtobiografičeskoe prostranstvo ( Le journal intime en Russie la fin du xviiie sicle et la premire moiti du xixe sicle comme espace autobiographique ), Izvestija AN (Messager de l'Acadmie des sciences), serija literatury i jazyka, vol. 61, n 3, 2002, p. 18-36. C. Viollet,  Diaristes francophones en Russie (xixe sicle) : une triple marginalit ? , tudes fminines/gender studies en France et en Allemagne, R. von Kulessa (d.), Fribourg-en-Brisgau, 2004, p. 145-152 ; idem,  Motivations et rticences chez les jeunes diaristes russes (xixe sicle) , L. Louvel et C. Rannoux (d.), La Licorne,  La Rticence , Rennes, PUR, n 68, 2004, p. 389-396.
2 Institut des textes et manuscrits modernes, Centre national de la recherche scientifique.
3 F. Ley, Alexandre Ier et sa Sainte Alliance (1811-1825), Paris, Fischbacher, 1975. E. Grečanaja, Literaturnoje vzaimovosprijatie Rossii i Francii v religioznom kontekste epohi (1797-1825) (Interactions littraires russo-franaises et le contexte religieux [1797-1825]), Moscou, IMLI RAN, 2002.
4 M. f. Maksimova,  Mečerskaja Sof'ja , Russkije pisateli (crivains russes), Moscou, Bol'aja rossijskaja enciklopedija, t. 4, 1999, p. 41-42.
5 Archives russes d'Actes anciens (RGADA), fonds 1256, inventaire 1, n 1153, f. 17.
6 Ibid., f. 66.
7 Ibid., f. 67.
8 RGADA, fonds 1280, inventaire 1, n 134, f. 106.
9 RGADA, fonds 1280, inventaire 1, n 135, f. 30.
10 Ibid., n 134, f. 94.
11 Dpartement des manuscrits de la Bibliothque d'tat russe (OR RGB), fonds 336/II, carton 47, n 2, f. 9.
12 Ibid., n 3, f. 1.
13 Ibid., n 2, f. 54v.
14 Elle pouvait lire une dition rcente : Le combat spirituel, par le R.P.D. Laurent Scrupoli, suivi d'un Trait de la paix de l'me, par le mme auteur, traduction nouvelle par ***, augmente de prires tires des Paraphrases de Massillon, et d'un morceau indit du p. Bourdaloue, Paris, Librairie grecque-latine-allemande, 1820.
15 L'vangile mdit et distribu pour tous les jours de l'anne, l'uvre du jsuite Bonaventure Giraudeau, paracheve et publie par l'abb Arnaud Duquesne en 1773-1774 et qui eut de nombreuses rditions.
16 Aleksandr Murav'ev tait franc-maon depuis 1814, et membre de la loge des  Trois vertus Saint-Ptersbourg.
17 Archives d'tat de la Fdration russe (GARF), fonds 1738, inventaire 1, n 8, f. 3v-4.
18 Ibid., f. 20.
19 A. N. Pypin, Masonstvo v Rossii : xviii i pervaja četvert' xix v. (La franc-maonnerie en Russie : premier quart du xixe sicle), Moscou, Vek, 1997. V. Saxarov (d.),  Masonstvo, literatura i ezoteričeskaja tradicija ( La franc-maonnerie, la littrature et la tradition sotrique ), Masonstvo i russkaja literatura (La franc-maonnerie et la littrature russe), Moscou, 2000, p. 3-29.
20 Dans cette entre Elizaveta put transcrire les vers de Pythagore et le commentaire d'Hirocls d'aprs le livre : Bibliothque des anciens philosophes, contenant les Commentaires d'Hirocls, sur les Vers dors de Pythagore ; rtablis sur les Manuscrits et traduits en Franais avec des remarques. Par M. Dacier, garde des Livres du cabinet du Roi, t. II, Paris, chez Saillant et Nyon, Pissot et Desaint, 1771, p. 247-248.
21 GARF, fonds 1738, inventaire 1, n 8, f. 6v (soulign par Elizaveta ahovskaja).
22 Praskov'ja Fredro, Mes souvenirs, GARF, fonds 695, inventaire 1, n 185, f. 23v (soulign par Praskov'ja Fredro).
23 Ibid., ff. 26v, 34.
24 Ibid., n 187, f. 35 (soulign par Praskov'ja Fredro).
25 Ibid., n 185, f. 67.
26 Ibid., f. 94v.
27 f. Ley, Madame de Krdener. 1764-1824. Romantisme et Sainte Alliance, Paris, ditions Honor Champion, 1994, p. 296.
28 Dpartement des manuscrits de la Bibliothque nationale russe, fonds 398, carton 2, sans numro, sans pagination.
29 Pis'ma hristianki, toskujučej po gornem svom otečestve, k dvum druz'jam e, muu i ene (Lettres d'une chrtienne qui languit aprs sa patrie cleste adresses ses deux amis, poux et pouse), Saint-Ptersbourg, v Morskoj tipografii, 1815 ; Sovety due moej, tvorenie hristianki, toskujučej po gornem svom otečestve (Les conseils mon me, uvre d'une chrtienne qui languit aprs sa patrie cleste), Saint-Ptersbourg, v Morskoj tipografii, 1816.
30 Pis'ma hristianki..., op. cit., p. 176.
31 Soulign par Aleksandra Hvostova.
32 GARF, fonds 967, inventaire 1, n 1, f. 15.
33 Je remercie vivement Francis Ley qui m'a communiqu ce texte, dpos aux Archives de la ville de Genve.
34 f. Ley, Madame de Krdener. 1764-1824..., op. cit., p. 398.
35 GARF, fonds 695, inventaire 1, n 185, ff. 94v-95.
36 F. Ley, Madame de Krdener. 1764-1824..., op. cit., p. 390.
37 V. Vinogradov, Očerki russkogo literaturnogo jazyka xvii-xix vekov (Essais sur la langue littraire russe du xviie-xixe sicle), Moscou, Vysaja kola, 1982, p. 208-249.
38 V. Vinogradov, Očerki russkogo literaturnogo jazyka XVII-XIX vekov, op. cit., p. 194.
39  Она по-русски плохо знала // [...] И выражалася с трудом//На языке своем родном.
40 C. Viollet,  Motivations et rticences chez les jeunes diaristes russes (xixe sicle) , art. cit, p. 146-148.
41 A. Kern (Markova-Vinogradskaja), Vospominanija. Dnevniki. Perepiska (Souvenirs. Journaux intimes. Correspondance), Moscou, Hudlit, 1974. L'autre journal bilingue publi, d'Anna Olenina, est d'une poque plus tardive (1828-1829).
42 OR RGB, fonds 336/II, carton 47, n 3, f. 19.
43 Ibid., n 2, f. 132v. Traduction :  [...] je commence toujours ma journe en lisant quelque temps un livre qui peut m'aider me connatre moi-mme ; en rentrant de la campagne je me suis prescrite de lire chaque jour cinq chapitres de l'vangile ; parce que durant notre sjour ici je veux absolument lire le nouveau Testament en entier, une fois en russe et une fois en esclavon ; j'aime ma langue maternelle et je veux la matriser fermement ; et j'ai du plaisir lire l'vangile dans ma langue.
44 Ibid., f. 20. Traduction du passage russe :  Et j'ai pens tout ce qui a rapport au bonheur futur, mais je ne sais que faire et comment me conduire ton retour. Tu ne croiras pas combien il est difficile d'tre, ou plutt de paratre trangre pour celui que l'on aime le plus.
45 Ibid., n 3, f. 1v. Traduction du passage russe :  Je ne sais vraiment pas pourquoi j'prouve un sentiment si spcial et indicible. Je l'aime toujours, et aujourd'hui il ne me suffit pas de l'aimer, je dois encore lui dire combien je l'aime.
46 Ibid., n 2, ff. 12, 12v.  Non, je ne cesserai pas d'esprer tant que tu ne m'auras pas dit que tu ne m'aimes plus, que “je te suis trangre”, mais mon ami, j'espre que tu n'as pas chang - Depuis que nous nous connaissons, nous n'avons pas cess de nous aimer, parfois nous nous perdions l'un l'autre de vue, ou plutt, nous tions distraits par ceux qui aiment sparer [...]. Deux semaines ont pass, et je ne t'ai pas crit un seul mot, cher ami, je ne vais pas te faire d'excuses, je suis habitue la sincrit, et je vais te dire toute la vrit sur mon silence ; durant tout ce temps j'ai essay de ne pas t'oublier mais de penser moins toi [...].
47 RGADA, fonds 1280, inventaire 1, n 134, f. 73. Traduction du passage russe :  Tous sont Anglais et non pas Russes - ils ont leur conversation eux, ils parlent de Londres, des Anglais, ils sont tous des trangers pour moi, et leur entourage ne m'intresse pas. Oh, combien mon cur veut tre avec les siens. [...] Il faut peut-tre de nouveau aller chez madame Pitt, il faut tre joyeuse, sinon on dira : que la princesse Obolenskaja est ennuyeuse ; mais mon cur n'est pas dispos la joie, je ne sais pourquoi. [...] Je me rjouis de parler ma langue maternelle au moins avec toi [...].
48 Ibid., ff. 37, 81v. Le journal de Marija Tolstaja est adress sa cousine.
49 OR RGB, fonds 336/II, carton 47, n 2, f. 12.
50 RGADA, fonds 1280, inventaire 1, n 134, f. 73.
51 OR RGB, fonds 336/II, carton 47, n 2, f. 133v.
52 Ibid., n 6, f. 15.
53 Ibid., n 5, f. 26.
54 V. Vinogradov Viktor, Očerki russkogo literaturnogo jazyka xvii-xix vekov, op. cit., p. 223-227.

 

Pour citer cet article : Elena Gretchanaa,   et journaux intimes fminins rdigs en franais dans le premier quart du xixesicle : aspects religieux et linguistiques , colloque Les Premires Rencontres de l’Institut europen Est-Ouest, Lyon, ENS LSH, 2-4 dcembre 2004, http://russie-europe.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=56